Paspaya.ca

8e article

La famille d’Ambroise Collin
et Marguerite Leblanc

Éric Kavanagh

Le 20 juin 2025

Généalogie, Longue-Pointe, Collin, Leblanc, Cap-d’Espoir / Désespoir, pêche, Minganie.

Après avoir retracé l’arrivée des Leblanc-Lambert – famille fondatrice de Longue-Pointe – dans deux précédents articles (2e article et 3e article), il devenait naturel de s’intéresser maintenant aux Collin. Cette transition s’impose d’autant plus que le lien entre les deux familles est direct : l’aînée de Thadée Leblanc et Véronique Lambert a épousé un Collin. C’est donc par cette alliance fondatrice que se poursuit ici notre exploration des premières lignées pionnières ayant façonné le destin de Longue-Pointe.

Ambroise et Marguerite

En effet, enfant et fille aînée du couple fondateur de Longue-Pointe, Marguerite Leblanc se marie avec Ambroise Collin, fils aîné d’Isaac Collin et Mary Connors. Ambroise est né le 10 mai 1831 au lieu qu’on nomme aujourd’hui Cap-d’Espoir, en Gaspésie (Figure 1).

Figure 1

Acte de baptême d’Ambroise Collin (1831)

Généalogie Québec, Registres de Percé (Saint-Michel), 1831

Acte de baptême d’Ambroise
Collin, 1831

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« Ce cinque juillet mil huit cent trente un Je prêtre soussigné ai baptisé Ambroise né le dix mai dernier du légitime mariage d’Isaac Collin et de Mary Conners du Cap Desespoir Le parrain a été James Smyth et la marraine Modeste Collin. »

Cap-d’Espoir ou Cap-Désespoir ? Au fil du temps, il y a une alternance entre ces deux formes pour désigner le village. « Le cap d’Espoir commence à être identifié ainsi en 1685 sur une carte du récollet Emmanuel Jumeau. Or l’année suivante, le toponyme Cap de Désespoir est relevé par l’hydrographe Jean Deshayes sur sa Carte de L’embouchure de la rivière de S. Laurens... et marque ainsi le début d’un parallélisme toponymique qui durera jusqu’à la fin du XIXe siècle. Il culmine en effet avec l’érection canonique de la paroisse de Saint-Joseph-du-Cap-Désespoir en mars 1860 qui était comprise dans la municipalité de L’Anse-du-Cap érigée en février 1868. Cette municipalité a pris le nom Cap-d'Espoir, revenant ainsi à la désignation primitive, en 1935. Cette agglomération est fusionnée à la ville de Percé depuis le 1er janvier 1971 et son nom est demeuré pour désigner le village » (COMMISSION DE TOPONYMIE DU QUÉBEC [Web]).

Comme on l’a vu et dit précédemment (2e article), Marguerite, fille aînée de Thadée Leblanc et Véronique Lambert, est née le 5 juillet 1838 à Tracadièche, aujourd’hui Carleton-sur-Mer. Je reproduis à nouveau son acte de baptême (Figure 2). Thadée, son père, est alors cultivateur.

Figure 2

Acte de baptême de Marguerite Leblanc (1838)

Ancestry.ca, Registres de Paspébiac (Notre-Dame-de-la-Purification), 1838

Acte de baptême
de Marguerite Leblanc, 1838

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« Le dix sept Août mil huit-cent-trente huit, Nous prêtre curé soussigné avons baptisé Marguerite née le cinq juillet dernier du légitime mariage de Thadée LeBlanc cultivateur de Tracadièche [Carleton] et de Véronique Lambrette. Parrain Daniel Lambrette, marraine Louise Cyr qui n’ont pû signer. »

Ambroise et Marguerite se marient le 29 mai 1855 en présence de leurs pères respectifs (Figure 3). Déclaré pêcheur, Ambroise est alors âgé de 24 ans et 19 jours, alors que Marguerite, toujours mineure, n’est âgée que de 16 ans et 11 mois.

Figure 3

Acte de mariage d’Ambroise Collin et Marguerite Leblanc (1855)

Généalogie Québec, Registres de Percé (Saint-Michel), 1855

Acte de mariage d’Ambroise
Collin et Marguerite Leblanc, 1855

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« Le vingt neuf mai mil huit cent cinquante cinq, après la publication de trois bans de mariage faite aux prônes de nos messes paroissiales entre Ambroise Collins, pêcheur, domicilié à la Montée de la Petite Rivière, fils majeur d’Isaac Collins & de Marie Connors d’une part, & Marguerite LeBlanc, fille mineure de Thadée LeBlanc, pêcheur, & de Véronique Lambert aussi de la Montée d’autre part; ne s’étant découvert aucun empêchement au dit mariage, nous prêtre curé soussigné, avons reçu leur mutuel consentement de mariage & leur avons donné la bénédiction nuptiale en présence de Isaac Collins père de l’époux, de Thadée LeBlanc père de l’épouse, & de François Cloutier, ami des époux, qui avec les dits époux n’ont pu signer. »

Note orthographique. On remarque que le patronyme Collin est écrit ici avec un s final (Collins). Cette orthographe est très fréquente dans les actes de cette époque pour les Collin de la Baie-des-Chaleurs, nos ancêtres. La chose s’explique aisément quand on comprend le grand mélange des populations francophones et anglophones dans cette région. On supposait peut-être alors que ces Collin/Collins était d’origine anglaise ou irlandaise. Mais la recherche généalogique que j’exposerai plus tard, dans un autre article, montrera que ce n’est pas le cas.

Fait intéressant : la jeune sœur d’Ambroise, Euphrosine Collin, se marie au même lieu le même jour avec Charles Pinel. C’est l’acte suivant dans le registre (Figure 4). Le couple aura au moins 9 enfants entre 1856 et 1880. On voit que Thadée est encore présent même s’il ne s’agit plus du mariage de sa fille. Est-ce que cela est indicateur d’une amitié particulière entre les « clans » Leblanc et Collin ou simplement le fait d’une courtoisie ponctuelle ?

Figure 4

Acte de mariage d’Euphrosine Collin et Charles Pinel (1855)

Généalogie Québec, Registres de Percé (Saint-Michel), 1855

Acte de mariage d’Euphrosine
Collin et Charles Pinel, 1855

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« Le vingt neuf mai mil huit cent cinquante cinq, après la publication de trois bans de mariage faite aux prônes de nos messes paroissiales entre Charles Pinel, pêcheur, domicilié à la Montée de la Petite Rivière, fils majeur de défunt Philippe Pinel & de Louise Chouinard d’une part, & Euphrosine Collins, fille mineure d’Isaac Collins pêcheur & de Marie Connors aussi de la Montée d’autre part; ne s’étant découvert aucun empêchement au dit mariage, nous prêtre curé soussigné, avons reçu leur mutuel consentement de mariage & leur avons donné la bénédiction nuptiale en présence de Isaac Collins, pêcheur, & père de l’épouse, de Thadée LeBlanc & François Cloutier amis des époux, qui avec les dits époux n’ont pu signer. »

Les mariés et leurs parents sont tous dits « de la Montée de la Petite Rivière », ce qui constitue une précision intéressante sur le lieu de provenance directe de Thadée Leblanc et Véronique Lambert lorsqu’ils ont fondé Longue-Pointe. La Montée est bien présente sur les cartes officielles encore aujourd’hui (Figure 5)

Figure 5

Montée de la Petite Rivière : lieu d’origine d’Ambroise et Marguerite

Google Maps (pour le fond de carte [Web]) et Snazzy Maps (pour la transformation), 2025

Montée de la Petite Rivière:
lieu d’origine d’Ambroise et Marguerite

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Note géographique. La Montée est située à quelques kilomètres à l’est de la Petite-Rivière(-Est) et tout juste à l’ouest de Cap-d’Espoir. Il s’agit du territoire ancestral « pré-Longue-Pointe » de ces deux familles de pionniers, Leblanc et Collin. En agrandissant la carte, trois autres éléments sont dignes de mention. D’abord, tout juste à l’ouest de Petite-Rivière se trouve le toponyme Le Plain, mot qui désigne bien sûr notre bord de mer paspaya. Pas une journée à Longue-Pointe ne peut se passer sans dire le plain ou le bord du plain. Ensuite, plus haut dans les terres ou dans les rangs, se trouve le hameau nommé Rail, sans doute en lien avec la grande famille du même nom. Enfin, on ne saurait manquer l’Anse-du-Cap (Cape Cove), lieu de naissance de plusieurs de nos ancêtres. Voilà qui fait de ce petit coin de pays gaspésien s’étirant sur moins de 7 km un creuset paspaya très prolifique.

De 1856 à 1869, Ambroise et Marguerite auront 7 enfants : Ambroise Jr, Mathias, Christophe(r), Joseph, Rosalie, Éléonore et Mary Jane. Allons faire plus ample connaissance avec les membres de la famille Collin-Leblanc.

Ambroise Jr (1856)

Le premier enfant du couple porte le nom du père, comme c’est souvent la coutume de l’époque : Ambroise Jr vient au monde le 28 février 1856, soit exactement 9 mois après le mariage de ses parents (Figure 6). À notre connaissance, il n’est jamais vraiment nommé Jr (c’est moi qui le nomme ainsi pour le distinguer du père).

Figure 6

Acte de baptême d’Ambroise Collin Jr (1856)

Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ), Registres de Percé (Saint-Michel), 1856

Acte de baptême d’Ambroise
Collin Jr, 1856

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« Le six Mai mil huit cent cinquante six, nous prêtre curé soussigné, avons baptisé Ambroise, né le vingt-huit Février dernier du légitime mariage d’Ambroise Collins, pêcheur, & de Marguerite LeBlanc de la mission du Cap D’Espoir : Parrain Nazaire Cloutier, marraine Véronique Lambrette qui n’ont su signer, le père absent. »

La marraine d’Ambroise Jr est Véronique Lambert, sa grand-mère maternelle et cofondatrice de Longue-Pointe. On remarque aussi que le baptême a eu lieu presque 3 mois après la naissance, ce qui était courant dans les missions (hameau sans prêtre résident). Je ne trouve rien d’autre sur Ambroise Jr dans la documentation généalogique. Il semble raisonnable de le supposer mort en très bas âge puisqu’il n’est pas nommé avec sa famille au recensement de 1861 (voir plus loin).

Mathias (1857)

Le deuxième enfant du couple, Mathias, naît le 4 août 1857, soit 17 mois après son frère aîné (Figure 7). Le garçon porte le prénom de son parrain (Mathias Rail inscrit Réel dans l’acte). Notons de plus que le lieu de naissance est désormais l’Anse-du-Cap (Cape Cove), indiquant peut-être une légère migration de la famille vers l’est. Je dis peut-être, car il n’y a pas de certitude quant à savoir si le lieu de baptême est le lieu de résidence.

Figure 7

Acte de baptême de Mathias Collin (1857)

Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ), Registres de Percé (Saint-Michel), 1857

Acte de baptême de Mathias
Collin, 1857

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« Le cinq août mil huit cent cinquante-sept, nous prêtre soussigné, avons baptisé à l’Anse du Cap, Mathias né la veille du légitime mariage de Ambroise Collins, pêcheur, et de Marguerite Leblanc de l’Anse du Cap. Parrain Mathias Réel, marraine Apolline Réel qui n’ont su signer. Le père absent. »

Note généalogique. Les parrain et marraine, Mathias et Apolline Rail, sont frère et sœur, enfants d’Antoine et Marie Pagé. Cette famille semble établie à Cap-d’Espoir. Mathias épousera Philomène Joncas en 1862 (Grande-Rivière), et Apolline épousera John Jones en 1863 (Port-Daniel).

Mais Mathias ne vivra pas longtemps : l’enfant meurt le 11 décembre 1858, à 16 mois et 7 jours (Figure 8). Il sera enterré dans le cimetière de Percé.

Figure 8

Acte de sépulture de Mathias Collin (1858)

Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ), Registres de Percé (Saint-Michel), 1858

Acte de sépulture de Mathias
Collin, 1858

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« Le treize décembre mil huit cent cinquante huit, nous prêtre soussigné avons inhumé dans le cimetière de Percé, le corps de Matthias Collins fils légitime du Ambroise Collins et de Marguerite LeBlanc, décédé l’avant-veille, à l’âge de dix-huit mois. Présents Thomas Cronier et Joseph Laterreur. »

Christophe(r) (1860)

Le 12 décembre 1860, 3 ans et 4 mois après la naissance de son frère Mathias, naît à Cap-d’Espoir Christophe(r), troisième enfant d’Ambroise et Marguerite (Figure 9). Il est l’ancêtre des Collin de Longue-Pointe.

Figure 9

Acte de baptême de Christophe(r) Collin (1860)

Ancestry.ca, Registres de Percé (Saint-Michel), 1860

Acte de baptême de
Christopher Collin, 1860

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« Le dix huit décembre mil huit cent-soixante, nous curé soussigné, avons baptisé Christophore, né le douze du courant, du légitime mariage de Ambroise Collins, pêcheur du Cap-Désespoir, et de Marguerite LeBlanc. Parrain, Isaac Collins; marraine, Jeanne Grenier qui n’ont su signer. »

Christopher ou Christophe ? À l’évidence, la version anglaise du prénom, Christopher, est surtout utilisée dans les premières années d’existence de notre ancêtre. Une fois à Longue-Pointe et plus tard dans sa vie, le version française, Christophe, semble davantage s’imposer. C’est d’ailleurs la version française qui est inscrite sur sa pierre tombale dans le vieux cimetière derrière l’église.

Mais la date de baptême n’est pas sûre. Ici, dans cette autre copie de l’acte, on écrit dix-neuf décembre (Figure 10) au lieu de ce qu’on croit être dix huit dans l’acte précédent.

Figure 10

Autre copie de l’acte de baptême de Christopher Collin (1860)

Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ), Registres de Percé (Saint-Michel), 1860

Autre copie de l’acte de
baptême de Christopher Collin, 1860

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« Le dix-neuf décembre mil huit cent soixante, nous curé soussigné, avons baptisé Christophore, né le douze du courant du légitime mariage de Ambroise Collins, pêcheur du Cap-Désespoir, et de Marguerite LeBlanc, Parrain, Isaac Collins; marrain, Jeanne Grenier, qui n’ont su signer. »

Note généalogique. Je ne suis pas en mesure de déterminer si le parrain de Christophe(r), Isaac Collin, est son grand-père ou son oncle (frère d’Ambroise).

Christophe(r) n’a qu’un an lorsque, au recensement de 1861, on le retrouve avec ses parents... à Sheldrake ! Ce détail est loin d’être anodin : les enfants aussi jeunes sont encore très rares en Minganie de l’Ouest à cette époque, la population présente étant essentiellement composée de pêcheurs de passage, indépendants ou engagés. Bien que d’autres Collin soient déjà présents dans la région, cet extrait (Figure 11) suggère que c’est là, à Sheldrake, que s’opère l’arrivée officielle de la branche des Collin qui s’implantera durablement à Longue-Pointe par la suite.

Figure 11

Ambroise et Marguerite au recensement de 1861

Ancestry.ca, Recensement du Canada 1861 (Canada Est, Saguenay)

Ambroise et Marguerite au
recensement de 1861

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« [22] Ambroise Collin | Trancheur | Shelldrake | 28 | marié
[23] Marguerite Collin [Leblanc] | Shelldrake | 22 | mariée
[24] Christopher Collin | Shelldrake | 17 [erreur] | né en 1860 »

Christophe(r) se mariera 2 fois : d’abord avec Emma/Aimée Gravel le 8 novembre 1881, et ensuite avec Victoria Boucher, le 13 novembre 1899. Il meurt le 18 mars 1940 à l’âge de 79 ans et 3 mois. Je reviendrai sur la famille et la descendance de Christophe(r) Collin dans de futurs articles.

Toujours dans le recensement de 1861, de Pigou à Blanc-Sablon en passant par Anticosti, on trouve 15 Collin sur le territoire, dont Ambroise, Marguerite (Leblanc) et le tout jeune Christopher. Ils sont tous en Minganie, mais pas encore à Longue-Pointe. Ce sont essentiellement des pêcheurs (ou des gens gravitant dans l’écosystème de la pêche à la morue). Les voici de Sheldrake à Natashquan (Tableau 1).

Tableau 1 – Les Collin présents en Minganie au recensement de 1861
Prénom Âge
déclaré
en 1861
Métier Lieu en
Minganie
Lien avec
Ambroise Collin
Ambroise28trancheurSheldrake---
Marguerite
(née Leblanc)
22---Sheldrakeépouse
Christopher1---Sheldrakefils
François35trancheurSheldrakeoncle (de Cap-d’Espoir)
marié à Suzanne Bourget
James14gravierSheldrakecousin
fils de François
Charles12---Sheldrakecousin
fils de François
Thomas44pêcheurSheldrakeoncle (de Cap-d’Espoir)
marié à Elisabeth (Mc)Sweeney
Andrelien23gravier?Sheldrake?
François26pêcheurSheldrakeaucun (de Montmagny)
marié à Caroline Bonneau
frère d’Urbain
Urbain24pêcheurSheldrakeaucun (de Montmagny)
marié à Éléonore Thibault
frère de François
Jean/John50pêcheurRivière-St-Jean? oncle (de Petite Rivière)
marié à Angèle Stibre
Joseph50pêcheurNatashquanoncle (de Cap-d’Espoir)
marié à Geneviève Lelièvre
Joseph Junior(?)21pêcheurNatashquancousin
fils de Joseph
Baptiste15pêcheurNatashquancousin
fils de Joseph
Jacques56pêcheurNatashquan? petit-cousin (de l’Anse-du-Cap)
né en 1805
fils de Sylvestre Collin et Louise Rail

Ancestry.ca, Recensement du Canada de 1861

Intermède : le tranchage de la morue

Toujours selon le recensement de 1861 (Figure 11), Ambroise est déclaré trancheur (par opposition à pêcheur, maître de grave, saleur, gravier, marchand, etc.). Mais de quel genre d’expertise ou de métier s’agit-il au juste ?

Le tranchage se fait en deux étapes. Premièrement, le piquage (éviscération du poisson) se fait avec un couteau à piquer. Ce couteau spécial est affûté des deux côtés. Il permet de prendre le poisson par la tête, le pouce sur la langue et un doigt prêt de l’œil pour le stabiliser sur l’étal. On tranche le cou d’un seul mouvement en commençant par un côté des ouies vers l’autre et sans lever le couteau, on poursuit le mouvement en pénétrant dans le ventre sans abimer les entrailles. On poursuit la coupe vers l’anus jusqu’à la queue en suivant l’arête de la colonne vertébrale. Ensuite, on prend le poisson et, pour un droitier, on retire les entrailles de la morue avec la main gauche en la retenant avec la main droite. On continue le mouvement en pliant la tête vers le bas dans l’espace prévue à cette fin sur l’étal. D'un coup sec, la tête tombe sur le sol avec les tripailles. Maintenant son travail terminé, le piqueur pousse le poisson dûment éventré vers le trancheur. Le trancheur a un couteau de style rectangulaire et courbé [Figure 12]. Il prend la morue et l’appuie sur l’accottoir pour le stabiliser. Une première passe de son couteau se fait en suivant l’arête jusqu’au bout de la queue. Une deuxième coupe se fait sous l’arête principale pour dégager la chair. La courbure du couteau permet de ne pas perdre de chair et fait une coupe propre. Ceci a pour effet d’ouvrir la morue. Ensuite, il la tourne de façon à lui permettre de retirer la « nove » (vessie natatoire). Cette deuxième étape se nomme le tranchage. Cette opération a pour but de préparer le poisson aux autres étapes qui sont saler la morue et la faire sécher au soleil.

(KAVANAGH 2025)

Figure 12

Couteaux à piquer et à trancher de Robert Kavanagh

© Pierre Kavanagh, 2025

Couteaux à piquer et à
trancher Couteaux à piquer et à
trancher

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Au royaume de la morue, les bons trancheurs faisaient partie d’une élite qui, secrètement, était enviée et admirée. Beaucoup de gens savaient comment s’y prendre, mais quelques-uns se démarquaient. La précision de la coupe et la vitesse d’exécution étaient l’« apanage » des trancheurs d’exception. On dit d’un très bon trancheur qu’il y avait constamment « une nove dans les airs ». Cette opération était une portion importante de tout le processus de la morue salée-séchée. La vitesse d’exécution était importante, car on allait finir le travail plus tôt et pouvoir se reposer. Chanceux celui qui avait un bon trancheur comme partenaire. Il y avait quelques personnes qui se démarquaient à Longue-Pointe, entre autres Jos Vaillancourt [époux de Jeanne d’Arc Collin, fils de Pierre « Pitro » Vaillancourt et Hélène Leblanc]. Après ça, il y avait une opération importante que l’on appelait l’arrimage (à Longue-Pointe, on pouvait entendre les expressions « j’ai arrimé », mais plus souvent « j’ai mis à égoutter »). Après avoir tranché la morue, on la mettait dans des quarts, c’est-à-dire des tonneaux qui contenaient de la farine au départ et que l’on récupérait pour saler la morue à l’été. On déposait la morue dans ces quarts pour y ajouter du gros sel, et on la laissait ainsi quelques jours. Après on la retirait du quart, et on la laissait s’égoutter 24-48 heures pour qu’elle perde une grande partie de son eau. On mettait une toile sur le plancher du petit chefeau (chafaud), endroit où on salait la morue à proximité de la grève – et tous les pêcheurs possédaient un chefeau [Web] –, et on déposait la morue en cercle, la queue vers l’intérieur et la partie ventrale toujours vers le sol de façon à faciliter l’égouttement. Après cette opération, la morue était sortie au soleil et déposée sur des vigneaux faits de branches de sapin et exposée au soleil, jusqu’à ce qu’elle se conserve. C’etait la façon de faire.

(RAIL 2025)

Ce « royaume de la morue », comme le dit Omer Rail, n’est pas qu’un mythe ou une formule forte : il a pris forme dans le quotidien de ceux et celles qui, jour après jour, travaillaient ce poisson devenu ressource maîtresse. La scène captée sur la photo suivante (Figure 13) en donne un aperçu précieux, celui d’un moment de préparation de la morue, souvent en famille, sur un simple étal, dans un village de la Minganie (dans ce cas-ci, Rivière-au-Tonnerre).

Figure 13

Tranchage de la morue à Rivière-au-Tonnerre, 1920-1930

Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ), cote 09N,P61,S1,P32 [Web]

Tranchage de la morue à
Rivière-au-Tonnerre, 1920-1930

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Après cet intermède morutier, de retour à la famille d’Ambroise et Marguerite. Vient ensuite...

Joseph (1863)

Le 11 août 1863, 2 ans et 8 mois après son frère, Joseph vient au monde. C’est le quatrième enfant et quatrième garçon de la famille Collin-Leblanc (Figure 14). Si Christophe(r), Gaspésien de naissance, est le premier enfant de la famille à venir en Minganie (Sheldrake), Joseph est le tout premier Collin à naître à Longue-Pointe. (Attention ! Il ne s’agit pas de « Jos Collin » époux d’Adélaïde Jourdain, mais de son oncle.)

Figure 14

Acte de baptême de Joseph Collin (1863)

Ancestry.ca, Registres de Pointe-aux-Esquimaux (Havre-Saint-Pierre), 1863

Acte de baptême de
Joseph Collin, 1863

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« Le onze Août mil huit cent soixante et trois, nous prêtre soussigné avons baptisé à la Longue Pointe Joseph né ce jour du légitime mariage de Ambroise Collin pêcheur et de Marguerite Leblanc. Parrain Thaddée Leblanc, marraine Elizabeth Lambrette. »

Note sur le parrain. Il peut s’agir du fondateur de Longue-Pointe, époux de Véronique Lambert et grand-père de l’enfant. Mais il peut aussi s’agir de Thadée Jr, fils du fondateur, frère de Marguerite et oncle de l’enfant (2e article).

Note sur la marraine. Élisabeth Lambert/Lambrette est la nièce de Véronique Lambert (épouse de Thadée Leblanc). Un mois plus tard, soit le 12 septembre 1863, elle épousera Pierre Loiselle à Longue-Pointe. Ils auront au moins 13 enfants entre 1865 et 1893.

À 32 ans et 2 mois, le 30 octobre 1895, Joseph épouse Marie Cormier de la Pointe-aux-Esquimaux (Havre-Saint-Pierre) (Figure 15).

Figure 15

Acte de mariage de Joseph Collin et Marie Cormier (1895)

FamilySearch, Registres de Saint-Pierre-de-la-Pointe-aux-Esquimaux, 1877-1900

Acte de mariage de
Joseph Collin et Marie Cormier, 1895

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« Le trente octobre, mil huit cent quatre vingt quinze, après la publication de trois bans de mariage, faite au prône de nos messes paroissiales entre Joseph Collin pêcheur, fils majeur de Ambroise Collin et de Marguerite Leblanc de la Longue Pointe, d’une part, et Marie Cormier, fille majeure de feu Narcisse Cormier, et de Marceline Douaire de cette paroisse [Havre-Saint-Pierre], d’autre part, pareille publication ayant été faite à Longue Pointe, comme l’atteste un certificat du Révérend Monsieur Bouchard, missionnaire de cet endroit, en date du vingt neuf courant, ne s’étant découvert aucun empêchement au dit mariage nous soussigné curé de cette paroisse avons reçu leur mutuel consentement de mariage et leur avons donné la bénédiction nuptiale en présence de Christophe Douaire frère de l’épouse et de Alfred Desjardins, lequel a signé, le premier témoin ainsi que l’époux et l’épouse ont déclaré ne savoir signer, lecture faite. Deux mots effacés nuls, un mot en marge bon. »

Âge de Marie. L’épouse a peut-être 21 ans et 3 mois au moment du mariage, car je trouve l’acte de baptême d’une Marie Hélène Cormier née à Havre-Aubert (Îles-de-la-Madeleine) le 20 juillet 1874, fille de feu Narcisse et de Pétronille Doyre (Douaire), mais je ne suis pas certain qu’il s’agit bien d’elle ou d’une sœur. Au recensement de 1901, on dit qu’elle aurait 25 ans et serait née le 15 juin 1875, ce qui lui donnerait 19 ans et 4 mois au mariage, alors qu’elle est déclarée majeure.

Majorité. En Nouvelle-France, l’âge de la majorité était fixé à 25 ans jusqu’à ce que le Conseil législatif de la Province (régime britannique) fixe la majorité à 21 ans en 1782, soit une vingtaine d’années après la Conquête. Dans le Québec d’aujourd’hui, l’âge de la majorité est fixé à 18 ans, et ce, depuis 1971 [Web].

Selon les répertoires généalogiques de la Minganie (DOYLE 2007a, 2007b), le couple ne semble pas avoir eu d’enfant, mais en a adopté et hébergé. Si Joseph et Marie vivent seuls dans leur maison de Longue-Pointe au recensement de 1901, on les retrouve en 1911 vivant avec la mère de Marie (Marceline, 50 ans) et 2 enfants : Joseph (11 ans, né en mars 1900) et Jeanne (3 ans, née en août 1907). Joseph (l’adulte) est déclaré pêcheur, et, outre sa belle-mère, personne ne sait lire ni écrire dans la maisonnée. Dix ans plus tard, au recensement de 1921, le couple vit toujours avec la mère de Marie, mais qui a désormais 69 ans et qui se prénomme alors Patroline (Pétronille). Les enfants y sont toujours, et on en apprend davantage sur leur identité : Joseph Dumas est déclaré fils adoptif (19 ans), et Jeanne est la nièce du couple (12 ans). Il s’agit de Jeanne d’Arc Collin, fille de Christophe (le frère de Joseph) et Victoria Boucher (décédée en 1909), la même Jeanne d’Arc que nous avons évoquée plus haut (épouse de Jos Vaillancourt). Pour le moment, je n’ai aucune certitude à propos de l’identité de ce Joseph Dumas adopté par Joseph Collin. Un Dumas de la Basse Côte-Nord ?

Marie meurt le 12 octobre 1923 à Longue-Pointe (Figure 16).

Figure 16

Acte de sépulture de Marie Cormier (1924, décès en 1923)

Ancestry.ca, Registres de Rivière-Saint-Jean, 1905-1939

Acte de sépulture de Marie
Cormier, 1924

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« Le dix avril mil neuf cent vingt quatre, nous soussigné, missionnaire, avons béni au cimetière de Longue-Pointe la sépulture de Marie Cormier, en son vivant épouse de Joseph Collin, senior, décédée au susdit lieu le douze octobre précédent. Étaient présents Christophe Collin, Jos. Collin, junior, et beaucoup d’autres qui n’ont pu signer avec nous. »

Senior, Junior... et Bébé. Dans cette lignée Collin, il y a trois hommes portant le prénom Joseph : 1) Joseph Senior, époux de Marie Cormier, celui dont on parle ici ; 2) Joseph Junior, époux d’Adélaïde Jourdain, fils de Christophe Collin et Emma/Aimée Gravel, et neveu de Joseph Senior ; 3) Joseph « Bébé », époux de Thérèse Leblanc et fils de Joseph Junior.

Comme on l’a vu précédemment, Joseph est veuf et vit seul au resencement de 1931 (1er article, Tableau 3, #15). Il décède le 5 avril 1942 (DOYLE 2007b) à l’âge de 78 ans et 8 mois à Longue-Pointe.

Rosalie (1865)

Née le 16 juin 1865, soit presque 2 ans après Joseph, Rosalie est la cinquième enfant du couple Collin-Leblanc et la première fille de la famille (Figure 17).

Figure 17

Acte de baptême de Rosalie Collin (1865)

Ancestry.ca, Registres de Pointe-aux-Esquimaux (Havre-Saint-Pierre), 1865-1879

Acte de baptême de
Rosalie Collin, 1865

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« Le vingt deux juillet mil huit cent soixante cinq, nous prêtre soussigné missionnaire avons baptisé à la Longue-Pointe Rosalie née le seize juin du légitime mariage de Ambroise Collin pêcheur et de Marguerite Leblanc. Le parrain a été Joseph Chouinard et la marraine Euphémie Leblanc qui n’ont su signer non plus que le père. »

Note sur la marraine. Euphémie Leblanc est très certainement la sœur de la mère de Rosalie, Marguerite, et toutes deux filles de Thadée Leblanc et Véronique Lambert (2e article).

Rosalie (parfois prénommée Rosanne ou Rosanna) se marie avec Jean Vincent Albert au début 1883 ou avant (acte de mariage introuvable pour le moment). J’arrive à retracer plus de 10 enfants du couple nés entre 1883 et 1905. Elle meurt le 20 octobre 1905, à Longue-Pointe, à l’âge de 40 ans et 4 mois. Je décrirai cette famille dans un autre article.

Éléonore (vers 1867)

La sixième enfant de la famille, c’est Éléonore. Née vers 1867 (on dit qu’elle a 4 ans au recensement de 1871), elle se marie avec Georges Roch à Betsiamites le 24 mai 1886 (Figure 18).

Figure 18

Acte de mariage d’Éléonore Collin et Georges Roch (1886)

Ancestry.ca, Registres de Betsiamites (Notre-Dame-de-l’Assomption), 1872-1900

Acte de mariage d’Éléonore
Collin et Georges Roch (1886)

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« Le vingt quatre mai mil huit cent quatre vingt six, nous prêtre missionnaire soussigné vu la dispense de deux bans de mariage par nous accordés en vertu des pouvoirs à nous donnés par Monseigneur Bossé Préfet apostolique de la Cote Nord entre Georges Roch veuf de Marie Josette [Josephte], fils d’Édouard Roch et Mathilde Moreau sauvage de Betsiamites consentants, d’une part et Eleonore Collin fille mineure de défunt Ambroise Collin et défunte Marguerite Langlois [Leblanc] de la Longue Pointe consantante d’autre part; ne s’étant découver aucun empêchement ni opposition avons pris le mutuel consentement de mariage et leur avons donné la bénédiction nuptial en présence de Thomas[?] Collard[?] et Morice Brau[?] qui ainsi que les contractants n’ont pu signer avec nous. »

1er mariage de l’époux. Le 13 janvier 1879, presque 7 ans auparavant, toujours à Betsiamites, Georges Roch a épousé Marie Josette Patrice, fille de Frédérick et Hélène McLeod (tous deux « montagnais »). En marge de l’acte de mariage, le prêtre inscrit Georges Ashini.

Sans avoir fait de recherches approfondies, j’arrive à trouver 11 enfants du couple, sans doute tous nés à Betsiamites (Tableau 2).

Tableau 2 – Enfants d’Éléonore Collin et Georges Roch (Betsiamites)
Prénom de l’enfant Naissance Baptême Commentaires
Delvina??Mariage avec Joseph Bacon
17 octobre 1904.
Suzanne??Mariage avec Pierre Hervieux
7 août 1906.
Sylvestre??Mariage avec Marie Vallée
2 septembre 1907.
Joséphine12 juin 189212 juin 1892
Joseph Jean24 septembre 1894Mariage avec Philomène Pilote
1er septembre 1919.
Rosalie17 février 189617 février 1896Nommée Ashini.
Sophie16 septembre 189916 septembre 1899Mariage avec Raphaël Bacon
16 août 1915 à Betsiamites.
Mathilda10 août 190310 août 1903Jumelle d’Ernest.
Mariage avec Casimir Vollant
14 juillet 1919 à Betsiamites.
Ernest10 août 190310 août 1903Jumeau de Mathilda.
Adélard Paul25 janvier 190625 janvier 1906Mariage avec Maria Picard
16 juillet 1931 à Betsiamites.
Yvonne23 juillet 190724 juillet 1907Mariage avec Patrick Étienne
8 août 1934 à Betsiamites.

Les renseignements de ce tableau ont été établis en utilisant BMS2000, mais sans validation aux sources primaires. À utiliser avec précaution.

Mary Jane (1869)

Enfin, Mary Jane, ou Marie Jeanne, est la septième et dernière enfant d’Ambroise et Marguerite. Elle est née le 5 novembre 1869 à Longue-Pointe (Figure 19).

Figure 19

Acte de baptême de Mary Jane Collin (1870, née en 1869)

Ancestry.ca, Registres de Pointe-aux-Esquimaux (Havre-Saint-Pierre), 1870

Acte de baptême de
Mary Jane Collin, 1870 (née en 1869)

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« Le vingt-trois Janvier mil huit cent soixante dix, Nous prêtre missionnaire soussigné, avons baptisé Marie Janes, née le cinq Novembre mil huit cent soixante neuf, du légitime mariage de Ambroise Collin et Marguerite LeBlanc de la Longue Pointe Parrain Laurent LeBlanc; marraine Flora Duguay qui ainsi que le père n’ont pu signer. »

Comme je ne trouve pas d’autres renseignements sur elle et qu’elle n’est pas mentionnée avec sa famille dans le recensement de 1871 (et les suivants), on peut la supposer décédée en bas âge.

Décès de Marguerite et remariage d’Ambroise

Comme on l’a vu précédemment, Marguerite meurt de la « fièvre lente » en mars 1871 selon le recensement de la même année (2e article). Elle n’avait pas encore 33 ans. Quelques mois après son décès, on trouve la famille à Longue-Pointe. Ambroise est veuf, et les 5 enfants sont orphelins de mère (Figure 20).

Figure 20

Ambroise et ses enfants au recensement de 1871

Bibliothèque et Archives Canada (BAC), Recensement du Canada 1871 (Labrador, Pointe-aux-Esquimaux)

Ambroise et sa famille au
recensement de 1871

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« [12] Colin Ambroise | 43 | pêcheur | veuf | ne sait ni lire ni écrire
[13] Colin Christophe | 11
[14] Colin Joseph | 9
[15] Colin Rosalie | 6
[16] Colin Eléonore | 4
[17] Colin Marie |»

L’année suivant le décès de Marguerite, Ambroise se marie avec Hélène Desrosby, le 8 juin 1872 à Havre-Saint-Pierre (Figure 21).

Figure 21

Acte de mariage d’Ambroise Collin et Hélène Desrosby (1872)

Généalogie Québec, Registres de Havre-Saint-Pierre, 1870-1872

Acte de mariage d’Ambroise
Collin et Hélène Desrosby (1872)

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« Le huit juin mil huit cent soixante et douze, vu la dispense de trois bans de mariage accordée par nous en vertu des pouvoirs reçus de Monseigneur Jean Langevin Evêque de Rimousky, en date du vingt trois septembre mil huit cent soixante et dix, entre Ambroise Collin veuf majeur de feue Margueritte Leblanc de Paspébiac d’une part; et Hélène Derosby fille majeure de Frédéric Derosby cultivateur et de Marie Sophie [Séraphine] Duguay aussi de Paspébiac d’autre part; ne s’étant découvert aucun empêchement, nous prêtre missionnaire soussigné avons reçu leur mutuel consentement de mariage à huit heures du soir en présence de Maxime Paulin; de François Dupuis et de Chaterine Dunn amis des époux qui ont déclaré ne savoir signer. »

Chose particulièrement intrigante dans cet acte de mariage : Ambroise est dit « de Paspébiac » ainsi qu’Hélène, « aussi de Paspébiac ». Mais dans son répertoire généalogique, Réal Doyle (2007b) écrit « Magpie ». Était-ce une façon de nommer Magpie à cette époque ? Certainement.

Avec la venue au village de tant de pêcheurs de la Côte-Sud, les étrangers appelaient Magpie “Le petit Paspébiac”. De là, nous est resté le surnom de paspeyas. Paspébiac étant un village situé sur la Côte-Sud.

(ST-PIERRE et coll. 1995 : 9)

Magpie était envahit [sic] par un grand nombre de pêcheurs de la rive sud durant la belle saison. Et il n’était pas rare d’entendre les gens d’ailleurs surnommé [sic] ce petit hâvre grouillant, “Le petit paspeyas”.

(DEROSBY ROUSSY 1983 : 37)

Mais tout de même, Magpie n’est pas Longue-Pointe, et rien n’indique qu’Ambroise se soit établi à Magpie (encore moins à Paspébiac). Alors les hypothèses restent ouvertes : erreur du prêtre qui rédige l’acte, réelle présence du couple à Magpie (ou même à Paspébiac), confusion entre Magpie et Longue-Pointe, façon de nommer certains villages de la Minganie de l’Ouest (ce qui pourrait aider à comprendre pourquoi les gens de Longue-Pointe ont fini par être désignés comme Paspayas), etc.

À leur mariage, Ambroise est âgé de 41 ans et 1 mois, et Hélène est âgée de 41 ans et 5 mois, comme permet de le calculer son acte de baptème. En effet, Hélène est née le 4 décembre 1830 à Paspébiac (Figure 22).

Figure 22

Acte de baptême d’Hélène Desrosby (1831, née en 1830)

FamilySearchc, Registres de Bonaventure, 1826-1834

Acte de baptême d’Hélène
Desrosby (1831, née en 1830)

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« Le vingt Février mil huit cent trente un, nous prêtre missionnaire soissigné avons baptisé Hélène née le quatre décembre dernier du légitime mariage de Frédéric Delarosby cultivateur de Paspébiac et de Séraphine Dugué. Parrain Gérard Delarosby, marraine Elizabeth Delarosby qui ont déclaré ne savoir signer le père absent. »

Au recensement de 1881, le couple Collin-Desrosby vit à Longue-Pointe avec les 4 enfants d’Ambroise (Figure 23). En plus du père, les fils Christophe et Joseph sont aussi déclarés pêcheurs. La maison que la famille occupe semble avoir comme voisins la famille de Pierre Huard et celle de Clarence Hamilton (5e article).

Figure 23

Ambroise et sa famille au recensement de 1881

Bibliothèque et Archives Canada (BAC), Recensement du Canada 1881
(Chicoutimi et Saguenay, Pointe-aux-Esquimaux)

Ambroise et sa famille au
recensement de 1881

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« [19] Collin Ambroise | 48 | pêcheur | marié
[20] Collin Ellen [Desrosby] | 48 | mariée
[21] Collin Christophe | 21 | pêcheur
[22] Collin Joseph | 19 | pêcheur
[23] Collin Rosalie | 17
[24] Collin Leonar | 15 »

Ambroise et Hélène ne semblent pas avoir eu d’enfants ensemble.

Décès du patriarche Collin (1883)

Le 26 septembre 1883, à l’âge de 52 ans et 4 mois, Ambroise meurt et sera inhumé dans le cimetière de Longue-Pointe (Figure 24).

Figure 24

Acte de sépulture d’Ambroise Collin (1884, décédé en 1883)

Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ), Registres de Rivière-Saint-Jean, 1884

Acte de sépulture
d’Ambroise Collin (1884, décédé en 1883)

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« Le deux mai mil huit-cent-quatre-vingt-quatre, nous soussigné, prêtre missionnaire, avons béni dans le cimetière de la mission de la Longue-Pointe, le fosse de Ambroise Colin, époux de Hélène Desrosbi, décédé le vingt-six septembre dernier, à l’âge de cinquante deux ans. Présents Christophe Colin et Onésime Gravel qui n’ont pu signer. Lecture faite. »

Note généalogique. L’acte indique la présence d’Onésime Gravel. Lui et Célina Pilote, son épouse (décédée elle aussi en 1883), sont les pionniers de la lignée Gravel de Longue-Pointe (ROUTHIER 2008). Attention ! Ne pas confondre, bien sûr, avec Onésime Gravel, leur arrière-petit-fils, marié avec Élise-Anne Vaillancourt en 1935.

Près de 23 ans plus tard, Hélène meurt à Longue-Pointe le 3 février 1905 à l’âge de 74 ans et 2 mois (Figure 25).

Figure 25

Acte de sépulture d’Hélène Desrosby (1905)

Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ), Registres de Rivière-Saint-Jean, 1905

Acte de sépulture
d’Hélène Desrosby (1905)

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« Le six février mil neuf cent cinq nous prêtre missionnaire soussigné avons inhumé dans le cimetière de Longue Pointe le corps de Hélène Derosby, veuve Colin; décédée en cette paroisse le trois de février. Étaient présents Christophe Colin et nombre d’autres qui n’ont pu signer Lecture faite »

La présence d’Ambroise et Hélène dans le vieux cimetière de Longue-Pointe est attestée dans le magnifique tableau intitulé Cimetière de Longue-Pointe-de-Mingan accroché dans la sacristie de l’église du village (Figure 26). Ambroise est la première entrée de cette liste.

Figure 26

Ambroise Collin et Hélène Desrosby au tableau de la sacristie
(église de Longue-Pointe)

© Éric Kavanagh, 2020

Tableau de la sacristie
présentant la liste des inhumés dans le vieux cimetière de Longue-Pointe
Présence d’Ambroise
Collin au tableau de la sacristie
Présence d’Hélène
Derosby au tableau de la sacristie

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Voici un tableau récapitulatif de la famille d’Ambroise Collin et Marguerite Leblanc. On y trouve leurs 7 enfants (Tableau 3).

Tableau 3 – Les enfants d’Ambroise Collin et Marguerite Leblanc
Enfants Naissance
(baptême)
Lieu de
naissance
Mariage Décès
(âge)
Ambroise Jr28 février 1856
(6 mai 1856)
Cap-d’Espoir1861 ou avant
(5 ans ou moins)
Mathias4 août 1857
(5 août 1857)
Anse-du-Cap1861 ou avant
(5 ans ou moins)
Christophe(r)12 décembre 1860
(18/19 décembre 1860)
Cap-DésespoirEmma/Aimée Gravel
8 novembre 1881
Victoria Boucher
13 novembre 1899
18 mars 1940
(79 ans et 3 mois)
Joseph11 août 1863
(11 août 1863)
Longue-PointeMarie Cormier
30 octobre 1895
5 avril 1942
(78 ans et 8 mois)
Rosalie16 juin 1865
(22 juillet 1865)
Longue-PointeJean Vincent Albert
début 1883 ou avant
20 octobre 1905
(40 ans et 4 mois)
Éléonorevers 1867? Longue-PointeGeorges Roch
24 mai 1886
?
Mary Jane5 novembre 1869
(23 janvier 1870)
Longue-Pointe1871 ou avant
(20 mois ou moins)

Transposés sur la carte qui suit (Figure 27), les principaux lieux qu’ont fréquentés et habités les pionniers Collin-Leblanc, de Tracadièche (Carleton) à Cap-d’Espoir jusqu’en Minganie. Le tout, en près de 75 ans, de 1831 à 1905.

Figure 27

Les Collin-Leblanc, de la Gaspésie à la Minganie (1831-1905)

© Éric Kavanagh et Jérôme Lessard, 2025 | Google Maps et Snazzy Maps (fond de carte), 2025

Les Collin-Leblanc, de la Gaspésie à la Minganie (1831-1905)

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Retracer le parcours d’Ambroise Collin et Marguerite Leblanc, c’est remonter le fil d’une migration courageuse et fondatrice, portée par la mer, la pêche et la détermination de s’enraciner en terre nouvelle. De Cap-d’Espoir à Longue-Pointe, leur lignée a laissé des traces dans les registres, certes, mais surtout dans les mémoires et la vie même du village. Car les Collin y sont toujours présents aujourd’hui, vivants, actifs, ancrés, forts et généreux. Et c’est peut-être dans cette petite pancarte de bois ouvrant le Chemin des Collin (Figure 28) que leur mémoire se révèle la plus touchante : un souvenir à hauteur humaine, transmis de génération en génération, enraciné dans la terre et la mer comme dans l’histoire.

Figure 28

Le chemin des Collin à Longue-Pointe

© Pierre Kavanagh, 2025

Le chemin des Collin à
Longue-Pointe

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Bibliographie

DEROSBY ROUSSY, M.-A. (1983). Magpie, petit coin ignoré de la Côte Nord, s. é., 151 p.

DOYLE, R. (2007a). Répertoire des baptêmes, mariages et sépultures de la Minganie, de la Basse-Côte-Nord et du Sud du Labrador (1847-2006). T1 Baptêmes, Société de généalogie de Québec, 540 p.

DOYLE, R. (2007b). Répertoire des baptêmes, mariages et sépultures de la Minganie, de la Basse-Côte-Nord et du Sud du Labrador (1847-2006). T2 Mariages et sépultures, Société de généalogie de Québec, 706 p.

KAVANAGH, P. (2025). Entretien par courriel réalisé avec Pierre Kavanagh à propos du tranchage de la morue, 2 juin.

RAIL, O. (2025). Entretiens par courriel réalisés avec Omer Rail à propos du tranchange de la morue, 2 et 18 juin.

ROUTHIER, H. (2008). Au fil des ans 1640-2008. Famille d'Onésime Gravel, Hélène Routhier (autoédition), 200 p.

ST-PIERRE, E. (dir.), ALBERT, Y. et LAROUCHE, G. (1995). Magpie 1849-1995. D’hier à aujourd’hui, Fabrique de Magpie, 32 p.

Citez cet article si vous utilisez son contenu

KAVANAGH, É. (2025). « La famille d’Ambroise Collin et Marguerite Leblanc », Paspaya.ca, 8e article, 20 juin 2025.

Remerciements

Pour leurs explications généreuses et éclairantes sur le tranchage de la morue, un grand merci à Omer Rail et à Pierre Kavanagh. Et pour m’avoir aidé à décoder les passages qui m’étaient indéchiffrables dans l’acte de mariage d’Éléonore Collin, un immense merci à celle qui restera toujours ma professeure et ma mentore en généalogie, Hélène Routhier, maître généalogiste agréée [Web]. Elle est aussi bien sûr l’auteure d’Au fil des ans 1640-2008. Famille d'Onésime Gravel (2008), ouvrage incontournable pour comprendre l’histoire et la généalogie paspayas.

Corrections, questions et commentaires

Il est impossible de faire ce genre de travail d’analyse sans commettre erreurs et imprécisions ni sans laisser çà et là des coquilles qui échappent à l’attention, même après de nombreuses relectures. Merci de me les signaler, et n’hésitez pas à donner vos commentaires : erickavanagh99 à gmail point com.

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