Paspaya.ca

5e article

Une famille Hamilton
de New Carlisle

Éric Kavanagh

Le 11 décembre 2024

Mis à jour le 12 juillet 2025

Clarence Hamilton, Jane Wiley, pêcheries, New Carlisle, Assemblée nationale du Québec.

Dans mon texte sur la lignée Hamilton-Hambelton (4e article), je voulais aussi évoquer une autre famille Hamilton ayant vécu à Longue-Pointe et dont l’histoire est fortement liée aux pêches et à la politique québécoise. Mais comme il ne semble y avoir aucun lien généalogique ni historique entre les deux familles, j’ai choisi de les traiter séparément.

Installée à Longue-Pointe pendant des décennies, vraisemblablement des années 1860 à 1905, cette famille est celle de Clarence Hamilton et Jane Wiley (femme qu’on a surtout connu sous l’appellation de veuve Hamilton et dont je suis très fier de perpétuer le nom réel). L’apport de cette famille à l’histoire de Longue-Pointe est majeur, même si on n’en connaît encore malheureusement que trop peu à son sujet.

Comme c’est presque toujours le cas en ce qui concerne ma connaissance de l’histoire de notre village, j’ai appris l’existence des Hamilton dans nos deux ouvrages d’histoire incontournables, à savoir le Calendrier du 150e et le « livre de Monique ». Voici deux extraits.

L’histoire de Longue-Pointe-de-Mingan est faite de petits et grands événements, comme de ses habitants. L’oralité veut que Thaddée Leblanc venu de l’Anse du Cap (Cap d’Espoir) en Gaspésie est le premier à s’installer ici en 1849 avec sa famille. D’autres suivent, seul[s] ou avec leur famille, libres ou engagés par des entrepreneurs de pêche, tels M. Clarence Hamilton, M. Fauvel ou MM. Fruing & Mauger ou plus tard, par M. John Vibert, marchand originaire de l’Île de Jersey. [...] La fermeture des comptoirs Hamilton et Fauvel au début des années 1900 ainsi que la fin du monopole jerseyais des pêches auraient pu être profitable aux nôtres mais de mauvaises années de pêche sont trop souvent au rendez-vous.

(COMITÉ DU 150e 1999 : « Historique du village »)

Jusqu’en 1870, à tour de rôle, différents comptoirs de pêche se sont établis dans le paysage nord-côtier appartenant aux grandes compagnies de pêche telles que Robin, LeBoutillier, Fruing et Collas. Ces compagnies ont fondé des établissements et des comptoirs de pêche sur la Moyenne et la Basse Côte-Nord. [...] Les patrons de ces compagnies étaient originaires des Îles Jersey et Guernesey. Ces îles sont situé[e]s dans le canal de la Manche entre la France et l’Angleterre, à l’ouest des côtes de la Normandie. En plus des firmes jerseyaises, on retrouvait aussi des entrepreneurs indépendants comme Clarence Hamilton, M. Fauvel et Pierre Béliveau, qui possédaient des comptoirs de pêche à Longue-Pointe-de-Mingan. Plus tard, ils ont été supplantés par la plus importante des firmes jerseyaises, la compagnie Charles Robin. A part elle, se sont ajoutés aussi des marchands itinérants venus de Québec, de la Nouvelle-Écosse et des États-Unis, pour faire du commerce sur la côte avec leurs goélettes.

(LOISELLE 1999 : 25-26)

On trouve aussi 4 entrées (dates) du calendrier qui nous informent sur Clarence Hamilton. Les voici dans l’ordre chronologique.

4 décembre 1858. Des pêcheurs de New-Carlisle s’établissent chez nous pour la pêche à la morue avec 4 bateaux.
18 décembre 1858. La Cie Jerseyaise Hamilton & Fauvel choisit LPM comme lieu estival de pêche à la morue. Elle engage jusqu’à 60 hommes. Elle sera ici jusqu’en 1905.
28 décembre 1864. M. Clarence Hamilton possède un établissement de pêche à LPM. Il exporte cette année vers l’Espagne, sur son bâtiment Le Mingan, 2000 quintaux de morue séchée.
3 octobre 1905. La veuve du Jerseyais Clarence Hamilton part. Ils demeuraient à LPM depuis 1858-59. M. Hamilton avait le monopole des pêcheries au village. En 1860, 60 pêcheurs travaillaient pour lui.

(COMITÉ DU 150e 1999)

Considérant tous ces faits, difficile de ne pas conclure au grand effet structurant de la présence des Hamilton à Longue-Pointe, pour le meilleur ou pour le pire. Faisaient-ils partie de la caste des exploitants-exploiteurs sans cœur et avides de profits, ou étaient-ils d’une autre trempe, celle de ceux qui se savaient privilégiés et qui ont cherché à aider le plus grand nombre autant que faire se peut ? Je ne sais pas. Et à défaut d’apporter un éclairage de ce côté, peut-être que la modeste investigation généalogique que je propose maintenant nous aidera à mieux comprendre notre histoire. Si riche et complexe.

Alors que plusieurs entreprises et exploitants de pêche provenaient des Îles anglo-normandes Jersey et Guernesey, Clarence Hamilton avait une toute autre origine.

En longeant la 132...

En traversant la municipalité de New Carlisle en Gaspésie et empruntant ainsi son axe routier principal – le boulevard Gérard D. Lévesque (route 132) –, on trouve une imposante habitation tout droit sortie du 19e siècle. Sise du côté nord de la route, en face de l’extraordinaire Espace René-Lévesque [Web], cette maison, un peu difficile à apercevoir pour le voyageur pressé [Maps], est connue sous l’appellation Maison ou Manoir Hamilton (Hamilton Manor).

Construit en 1852, par John Robinson Hamilton [Web], qui a siégé à l’assemblée du Bas Canada comme député du comté de Bonaventure (1841-1844) [Web], en plus d’être nommé conseiller de la Reine, ce manoir néo classique anglais, très peu fréquent au Québec, possède un caractère patrimonial de grande valeur, par surcroit, avec ses 4 cheminées et ses 8 foyers. L’architecture du manoir Hamilton est unique en Gaspésie et a été influencée par le style palladien, d’Andrea Palladio, architecte italien de la Renaissance.

(MANOIR HAMILTON s. d.)

Opéré aujourd’hui comme une auberge de type couette et café (bed and breakfast), le manoir a fait l’objet de reportages (Figure 1), d’articles et de rapports de recherche.

Figure 1

Manoir Hamilton à New Carlisle (vues avant et arrière)

© Phi Productions et maCommunauté (s. d.) [Vidéo]

Cliquez sur les images pour les agrandir.

« Le caractère de la maison Hamilton tient à sa grande simplicité, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur. Elle influença d’ailleurs l’architecture de quelques bâtiments de la région immédiate, dont une salle paroissiale, construite en 1914 à Bonaventure, qui loge aujourd’hui le Musée Acadien du Québec [Maps|Web]» (GAUTHIER 1989 : 53)

Ce John Robinson Hamilton est le père de Clarence. En 1983, le chroniqueur gaspésien Kenneth « Ken » Annett lui consacre un texte de 18 pages dans lequel je puise abondamment dans cet article.

Le fondateur de la famille Hamilton de New Carlisle, John Robinson Hamilton, est né à Québec en mars 1808, deuxième fils de Gavin Major Hamilton et de sa femme, Mary Robinson. Son frère aîné, William, était né en 1806, et une sœur, Elizabeth Hawkins Hamilton, est née en 1810. John Robinson Hamilton a été baptisé en privé par le révérend Salter Mountain en 1808 et, six ans plus tard, il a été officiellement reçu dans l’Église (la cathédrale anglicane de Québec) par le révérend George Jeho. Mountain [nous avons déjà fait la connaissance de ce révérend anglican : 4e article, Figure 6]. L’enregistrement de 1808 indique que son père, Gavin, était marchand à Québec. Les registres de 1814 montrent que Gavin Major Hamilton était l’assistant du pourvoyeur adjoint du personnel médical, absent pour service dans le Haut-Canada. Sa femme, Mary Robinson Hamilton, était la fille de John et Sarah Robinson de Québec.

(ANNETT 1983 : 2-3, ma traduction)

Né le 5 mars 1808 à Québec, John Robinson sera baptisé dans le rite anglican le 18 du même mois (Figure 2).

Figure 2

Acte de baptême de John Robinson Hamilton (1808)

Ancestry.ca, Québec, Cathédrale anglicane, 1808

Acte de baptême de J. R. Hamilton, 1808

Cliquez sur l’image pour l’agrandir.

« John Robinson, son of Gavin Major Hamilton Esqr, of the City of Quebec, merchant, and of Mary [Robinson] his wife, was born March the fifth, and privetely baptized March the eighteenth, in the year of our Lord one thousand eight hundred and eight. By me, Salter Jehosaphat Mountain officiating minister at Quebec. »

On remarquera l’usage du terme esquire (ou sa forme abrégée Esq ou Esqr), appellation honorifique anglaise mais provenant à l’origine du mot français escuyer (écuyer, un chevalier en formation ou un porteur d’écu). Ce mot indique un rang social élevé ou l’exercice d’une profession prestigieuse, comme avocat, notaire ou propriétaire terrien influent.

Alors que son père est marchand, John Robinson fera une brillante carrière de droit.

John Robinson Hamilton n’avait que onze ans lorsque son père, Gavin, décéda en mai 1819, à l’âge précoce de 32 ans. L’acte de sépulture rédigé par le Révérend Michel Le Moignan, historien réputé de Gaspé, indique que la veuve Mary Robinson Hamilton se remaria par la suite avec M. François Pellet. L’historien note aussi la maîtrise qu’avait John Robinson Hamilton des langues anglaise et française. Ayant choisi le droit comme carrière, John Hamilton fut accepté comme clerc par le prestigieux cabinet juridique Stuart [Web] et Black [Web] afin d’y étudier le droit en vue de son admission au barreau.

(ANNETT 1983 : 4, ma traduction)

S’intéressant particulièrement à l’histoire, à l’architecture et au design du manoir de New Carlisle, l’historien de l’art Sylvio Gauthier complète ainsi la biographie de J. R. Hamilton.

En 1825, le jeune Hamilton entreprend des études en droit et il est admis au barreau de Québec en 1830. De 1832 à 1834, il siège à l’Assemblée du Bas-Canada comme représentant du comté de Bonaventure. En 1835, il quitte Québec pour s’établir à New Carlisle. Il y achète un vaste terrain à l’est de la ville où il se fait construire une première demeure confortable. Marié à Eliza Racey, il aura une famille de neuf enfants. Un incendie devait toutefois détruire la première maison de John Robinson Hamilton. Vers 1852 (les archives ne révèlent pas la date exacte de la construction), il reconstruit une nouvelle demeure imposante [le fameux manoir], un peu à l’ouest de l’ancienne.

(GAUTHIER 1989 : 51)

John Robinson Hamilton et Eliza Racey se seraient mariés le 7 décembre 1831 à New York (selon nosorigines.qc.ca [Web]). Selon Annett (1983 : 2), le couple aurait eu les neufs enfants suivants : Laura (1832), Clarence (1833), Rosalie Isabella (1836), John Robinson Jr(?), Charles (1842), Eliza Louisa (1843), Herbert (1846), Emma Mary (1847) et Gavin Francis (1850). Alors que John Robinson décède le 24 décembre 1870 à New Carlisle à l’âge de 62 ans (Figure 3), Eliza meurt deux ans et demi plus tard, le 26 juin 1873, également à New Carlisle (Figure 4).

Figure 3

Acte de sépulture de John Robinson Hamilton (1870)

Ancestry.ca, New Carlisle, St. Andrew’s, Church of England, 1870

Acte de sépulture de John Robinson Hamilton, 1870

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« John Robinson Hamilton of New Carlisle Esquire Advocate, Q.C. died on the twenty fourth day of December, aged sixty two years, & was buried on the thirty first day of said month, in the year of our Lord one thousand eight hundred & seventy at St. Andrew’s Church, in presence of Pk Murison & Mathew Caldwell Esquires & many others. »

À défaut d’avoir l’acte de baptême d’Eliza, on peut croire que l’âge au décès inscrite dans son acte de sépulture – 65 ans – est assez juste, dans la mesure où ces familles aisées ont plus de moyens et un plus grand niveau de littératie pour préserver la mémoire des événements.

Figure 4

Acte de sépulture d’Eliza Racey (1873)

Ancestry.ca, New Carlisle, St. Andrew’s, Church of England, 1873

Acte de sépulture d’Eliza Racey, 1873

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« Mrs Eliza Racey of New Carlisle, widow of the late John Robinson Hamilton in his lifetime of said place Esquire Advocate Q.C., died on the twenty sixth day of June, aged sixty five years, & was buried on the twenty ninth day of the said month, in the year of our Lord one thousand eight hundred and seventy three, at St Andrew’s Church in presence of John R Hamilton & Gavin F Hamilton her sons & many others. »

On le voit par plusieurs éléments (manoir, profession exercée, vie politique, etc.), la famille Hamilton était aisée et devait jouer un rôle d’importance dans son milieu (Québec, New Carlisle, Gaspésie). Tournons-nous maintenant vers l’enfant du couple Hamilton-Racey qui deviendra Paspaya d’adoption...

Clarence Hamilton

C’est dans le rite anglican qu’est baptisé Clarence en 1839, le même jour que sa sœur aînée, Laura. Il est né presque six ans plus tôt, le 29 décembre 1833 (Figure 5).

Figure 5

Acte de baptême de Clarence Hamilton (1839, né en 1833)

Ancestry.ca, New Carlisle, St. Andrew’s, Church of England, 1839

Acte de baptême de Clarence Hamilton, 1839

Cliquez sur l’image pour agrandir la partie de l’acte qui concerne Clarence.
Cliquez ici pour agrandir la partie de l’acte concernant Laura, la sœur de Clarence.

« Clarance infant son of John Robinson Hamilton Esquire Advocate of New Carlisle in the County of Bonaventure and District of Gaspé and of Eliza his wife maiden name Racey, was born on the 29th of December in the year of our Lord 1833 and publicly baptized in the Church at New Carlisle on the 18th August in the year 1839. the sponsors [témoins] being John Hardeley and Harriett Ross »
Et l’acte se poursuit avec le baptême de la sœur de Clarence :
«
 Laura daughter of the above named John Robinson Hamilton & Eliza his wife was born on the 22d of August, in the year of our Lord 1832 and baptized in the above named Church at New Carlisle on the 18th day of August in the year 1839. Sponsors being the Honourable John G Thompson Provincial Judge and Margaret Thompson. The above baptisms were celebrated by me John Johnston »

Grâce aux écrits d’Annett (1983), on en apprend beaucoup sur Clarence. Ses activités à Longue-Pointe étaient bien connues et semblaient être l’objet d’une grande fierté.

Né en 1833, Clarence était le deuxième enfant et le fils aîné de la famille. Il a été éduqué à Québec et aux États-Unis. [...] il était impliqué dans la pêche et le transport maritime. Il a développé un important poste de pêche à Longue-Pointe, Mingan, sur la Côte-Nord du golfe du Saint-Laurent, d’où les navires Hamilton commerçaient avec les Antilles et l’Amérique du Sud. Clarence s’est marié et a établi son domicile à Longue-Pointe.

(ANNETT 1983 : 12, ma traduction)

Sans avoir poussé très loin mes recherches sur la famille Hamilton (de John Robinson, le père, à Clarence, le fils), je comprends que les activités du fils dans l’indutrie de la pêche semblent être un prolongement d’activités initiées par le père. Dans l’extrait qui suit, Clarence est aussi présenté comme un constructeur naval.

L’ampleur et l’étendue des intérêts maritimes de John Robinson Hamilton devraient faire l’objet d’autres recherches et rapports. On peut toutefois noter que M.A. Achintree, en écrivant à propos de Clarence Hamilton, fils de John Robinson Hamilton, faisait référence à la magnifique installation de pêche qu’il possédait à Longue Pointe, dans la seigneurie de Mingan, ainsi qu’à son rôle de constructeur naval et d’armateur, en plus de celui de commerçant. Propriétaire d’une flotte de navires, il était impliqué dans le commerce avec les Antilles et l’Amérique du Sud.

(ANNETT 1983 : 10, ma traduction)

Fait rarissime en généalogie, on trouve une description de l’apparence de Clarence dans une source citée par Annett.

Un fils du Soleil en raison de la magnifique couleur dorée de ses cheveux [...] d’une stature superbe, au teint rougeâtre, le Représentant de Bonaventure est le plus bel exemple de la race anglo-saxonne.

(M.A. Achintree 1871 d’après ANNETT 1983 : 10, ma traduction)

Et sont évoqués quelques détails supplémentaires sur ses activités, dont son statut de politicien. Le lien entre Hamilton et les Têtu est aussi évoqué. Nous aurons l’occasion d’en reparler une autre fois.

À la fois marchand et armateur, M. Hamilton exploite les pêcheries des Sept-Îles. Son principal agent a été Narcisse Têtu. M. Hamilton représente au sein de la Législature les intérêts particuliers de Bonaventure – ceux d’une population sobre, vaillante et énergique, composée presque exclusivement de pêcheurs qui exploitent les riches pêcheries du golfe, du Labrador et de la Gaspésie.

(M.A. Achintree 1871 d’après ANNETT 1983 : 10, ma traduction)

La famille Hamilton-Wiley

L’histoire des Hamilton à Longue-Pointe, c’est autant les activités de Clarence que la longue présence de sa femme, Jane Wiley. Fille de James Wiley et de Rachel Smith, Jane est née le 22 février 1839 (Figure 6).

Figure 6

Acte de baptême de Jane Wiley (1839)

Ancestry.ca, New Carlisle, St. Andrew’s, Church of England, 1839

Acte de baptême de Jane Wiley, 1839

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« Jane infant daughter of James Wiley farmer of [?] & Rachael his wife maiden name Smith, was born on the 22d of February and baptized on the 31st of March in the year of our Lord 1839. the sponsors being Philip Mercier[?] and Jane Walker. »

Comme il n’y a aucune trace des Hamilton-Wiley dans les répertoires de Réal Doyle (1988, 2007a, 2007b), il faut utiliser d’autres documents pour suivre l’histoire de la famille. C’est principalement grâce à l’examen des recensements que nous serons en mesure de suivre une partie du parcours de Clarence Hamilton et de sa famille, autant à New Carlisle qu’à Longue-Pointe. En 1861, Clarence est présent à New Carlisle et « vit » avec ses parents et 6 frères et sœurs (Figure 7). Malheureusement, la copie de la page disponible ne laisse pas voir l’ensemble des données (notamment le statut marital). Si les sources secondaires à propos de son mariage en 1861 disent vrai, alors on doit peut-être comprendre qu’il n’était pas encore marié.

Figure 7

Clarence Hamilton au recensement de 1861, New Carlisle

Ancestry.ca, Recensement du Canada 1861, Canada-Est (Bonaventure)

Clarence Hamilton au recensement de 1861 à New Carlisle

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« [1] J.R. Hamilton | Queens Counsel | Québec
[2] Eliza Hamilton | New York
[3] Clarence Hamilton | Merchant | Québec
[4] Rosalie Hamilton | Spinster | New Carlisle
[5] J.R. Hamilton Jr | Merchant | New Carlisle
[6] Charles Hamilton | Student at Law | New Carlisle
[7] Eliza Hamilton | New Carlisle
[8] Emma Hamilton | New Carlisle
[9] Gavin Hamilton »

[Mise à jour] Mais le recensement de 1861 est plein de surprises. En effet, alors qu’un Clarence est présent à New Carlisle, comme on vient de le voir, il est également présent à Longue-Pointe. Et son identité ne fait ici aucun doute (Figure 8).

Figure 8

Clarence Hamilton au recensement de 1861, Longue-Pointe

Bibliothèque et Archives Canada, Recensement du Canada 1861, Canada-Est (Saguenay)

Clarence Hamilton au
recensement de 1861 à Longue-Pointe

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« [31] Clarence Hamilton | pêcheur armateur | Église d’Angleterre | New Carlisle | 27 | 1 maison en bois  »

Dans ses célèbres écrits, Placide Vigneau (gardien de phare du Perroquets de 1892 à 1912) évoque la présence de Clarence Hamilton à Longue-Pointe en 1861.

[5 novembre 1861] Naufrage du vapeur "North-Briton" de la ligne Allan [importante ligne de transatlantiques dans la seconde moitié du XIXe siècle (BLANCHETTE et coll. 2021 : 207)], Montreal Ocean Steamship Company. Sur l’une des îles aux Perroquets de Mingan à quelques centaines de pas au sud du "Clyde". Il a été sauvé un peu d’effets à ce naufrage par les habitants de la Pointe [aux-Esquimaux, aujourd’hui Havre-Saint-Pierre]. Notamment du beurre et du fromage et des pièces de mérinos. Les gens de Longue Pointe ont fait beaucoup plus; Clarence Hamilton a empoché en toutes espèces d’effets pour plus de £ 2000 - 0 - 0. [...] Arrivé le 23 octobre de Liverpool avec 200 passagers, dont le vicompte Monk, nommé "administrateur du Canada", le "North Briton" était reparti le 4 novembre de Québec sous la direction du capitaine Grange. Il toucha terre à la 1 hre de la nuit, le 5 novembre, au cours d’une violente tempête. Les 130 passagers, au nombre desquels se trouvaient l’honorable P.M. Vankoughnet et son épouse, furent, quelques jours plus tard, acheminés vers l’Europe sur l’"Anglo-Saxon".

(VIGNEAU 1969 : 23)

Dans ses Récits de naufrages, rédigés des années plus tard, Placide reprend l’anecdote.

Ce même automne 1861, le vapeur "North Briton", de la ligue Alan, fit naufrage sur la même ile où s’était jeté le "Clyde", le 4 novembre, en descendant. Il fut sauvé, en beurre[,] fromage, pièces de mérinos et différents autres effets, pour environ trois milles piastres. Plusieurs habitants de Longue Pointe firent très bien, Hamilton en avait accroché pour près de $8000.

(VIGNEAU s. d. : 134du fichier PDF)

L’île en question est bien sûr l’Île du Wreck (prononcé rac, autant par les Cayens du Havre que par les Paspayas de Longue-Pointe).

Ce sont deux naufrages qui sont à l’origine du toponyme Île du Wreck, soit celui du Clyde en 1857 et du North Briten en 1861. Si le toponyme Île du Wreck a prévalu jusqu’à nos jours, c’est que les gens de Havre-Saint-Pierre ont acquis l’habitude de prononcer raque [rac] pour désigner cette île et même pour parler généralement des naufrages qui surviennent, tant aux îles de Mingan qu’à l’île d’Anticosti. La mention de Placide Vigneau (1870) de Wreck Point démontre que l’île n'était sans doute pas nommée. Toutefois en 1892, il appelait cette île aussi bien Île du Naufrage qu’Île du Wreck. Le toponyme est devenu officiel en 1979.

(COMMISSION DE TOPONYMIE 2012 : s. v. Wreck, Île du [Web])

Dix ans plus tard, au recensement de 1871, Clarence, âgé de 37 ans, se trouve encore à New Carlisle avec sa mère et sa fratrie (Figure 9). Fait particulier : on ne mentionne pas qu’il est marié (colonne #15). Rosalie, sa sœur, vit sous le même toit mais constitue une famille distincte avec sa fille Laura Adele. En effet, Rosalie Isabella a épousé Alfred Payne Le Boutillier en 1863 (ANNETT 1983 : 13).

Figure 9

Clarence Hamilton au recensement de 1871, New Carlisle

Ancestry.ca, Recensement du Canada 1871, Québec (Bonaventure, Cox)

Clarence Hamilton au recensement de 1871 à New Carlisle

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« [1] Hamilton Eliza | 61
[2] Hamilton Clarence | 37
[3] Hamilton John R. | 31
[4] Hamilton Emma | 24
[5] Hamilton Gavin | 20
[6] Hamilton May | 9
[7] Le Boutilier Rosalie | 33
[8] Le Boutilier Laura Adele |»

Pour cette même année de 1871, je ne trouve aucune trace de Clarence Hamilton, ni de son épouse ni d’enfant, dans le recensement de Pointe-aux-Esquimaux (incluant Longue-Pointe). Où peuvent bien se trouver Jane et leur fils aîné ? Mais Clarence poursuit certainement ses activités en Minganie, puisque, en 1875, il déclare une importante cargaison de morue pour un navire nommé Zenith en partance de Mingan et entré à New Carlisle (Figure 10). Dans le même tableau, on voit que d’autres navires sont arrivés de la Minganie, dont l’Adelina, de Magpie.

Figure 10

Cargaison du Zénith en 1875

COMMISSAIRE DES PÊCHERIES 1876 : 46

Acte de sépulture de Clarence Hamilton, 1894

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Au recensement de 1881, on retrouve Clarence Hamilton à Longue-Pointe avec Jane et leurs 6 enfants, dont l’âge déclaré va de 2 à 16 ans (Figure 11). Selon les sources secondaires, les Hamilton seraient à Longue-Pointe depuis 1860 au moins (et le couple s’y serait marié). C’est donc très étonnant pour moi de retrouver Clarence à New Carlisle en 1861 et 1871, sans indication qu’il soit marié.

Figure 11

La famille Hamilton au recensement de 1881, Longue-Pointe

Ancestry.ca, Recensement du Canada 1881, Québec (Chicoutimi et Saguenay, Pointe-aux-Esquimaux)

Clarence Hamilton et sa famille au recensement de 1881 à Longue-Pointe

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« [25] Clarence Hamilton | 45 | Marchand
[1] Hamilton Jane | 43
[2] Hamilton Frank | 16
[3] Hamilton Clara | 12
[4] Hamilton Albert | 8
[5] Hamilton Lisa | 6
[6] Hamilton Clarence | 4
[7] Hamilton May |»

Dix ans plus tard, au recensement de 1891, Clarence et Jane se trouvent toujours à Longue-Pointe avec leurs enfants (Figure 12). L’Albert de 1881 est désormais prénommé Robert, et la May de 1881, Hilda.

Figure 12

La famille Hamilton au recensement de 1891, Longue-Pointe

Ancestry.ca, Recensement du Canada 1891, Québec (Chicoutimi et Saguenay, Pointe-aux-Esquimaux)

Clarence Hamilton et sa famille au recensement de 1891 à Longue-Pointe

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« [15] Hamilton Clarence | 58
[16] Hamilton Jane | 51
[17] Hamilton Franck | 28
[18] Hamilton Clara | 21
[19] Hamilton Robert | 17
[20] Hamilton Eliza | 15
[21] Hamilton Clarence | 13
[22] Hamilton Hilda | 11 »

Clarence Hamilton décède à Longue-Pointe le 14 janvier 1894 et sera enterré à New Carlisle en mai de la même année (Figure 13).

Figure 13

Acte de sépulture de Clarence Hamilton (1894)

Ancestry.ca, New Carlisle, St. Andrew’s, Church of England, 1894

Acte de sépulture de Clarence Hamilton, 1894

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« Clarence Hamilton, of Long Point, Mingan district of Saguenay, formely of New Carlisle, died on the fourteenth day of January in the year of our Lord one thousand eight hundred and ninety four, and was buried on the tenth day of May in S. Andrew’s Church yard New Carlisle in the year one thousand eight hundred and ninety four. By me Edgar B. Husband, Rector. In the presence of [signatures]»

Le corps de Clarence Hamilton se trouve désormais à New Carlisle, dans un lot regroupant plusieurs membres de sa famille (père, mère, etc.), mais loin de Jane et de ses enfants (Figure 14).

En mai, à l’ouverture de la navigation, son fils Frank a ramené le corps de son père à New Carlisle pour l’enterrer dans le cimetière de l’église anglicane St. Andrew, où une pierre tombale dans le lot des Hamilton indique son dernier lieu de repos.

(M.A. Achintree 1871 d’après ANNETT 1983 : 10, ma traduction)

Figure 14

Pierre tombale de Clarence Hamilton à New Carlisle

© Éric Kavanagh (2025)

Pierre tombale de Clarence Hamilton à New Carlisle

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« Sacred
To the memory of
Clarence Hamilton
Born December 29, 1833
Died January 14, 1894
There the weary are at rest »

Selon Annett, c’est Frank, son aîné, qui reprendra les affaires de la famille Hamilton à Longue-Pointe. Mais ce dernier mourra en 1901.

Son fils, Frank Hamilton, a grandi et a repris l’entreprise de son père. Après la mort de Clarence en 1894 et de son fils Frank en 1901, la veuve Hamilton a continué à résider sur la Côte-Nord jusqu’en 1905, date à laquelle elle est partie vivre avec un autre de ses fils en Colombie-Britannique. Comme son père, Clarence avait de nombreux intérêts et, tout au long de sa vie, a maintenu des liens étroits avec sa famille gaspésienne.

(ANNETT 1983 : 12, ma traduction)

Au recensement de 1901, Jane vit à Longue-Pointe avec sa fille Hilda et une nièce de 28 ans, Emily Borlase (Figure 15). C’est la dernière trace que nous avons d’elle dans nos registres.

Figure 15

Jane Wiley (Hamilton) au recensement de 1901, Longue-Pointe

Bibliothèque et Archives Canada (BAC), Recensement du Canada 1901,
Québec (Chicoutimi et Saguenay, Pointe-aux-Esquimaux)

Jane Wiley (Hamilton) au recensement de 1901 à Longue-Pointe

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« [40] Hamilton Jane | 70
[41] Hamilton Hilda | 21
[42] Borlace Emily | 28 »

Je n’ai pas couvert la carrière politique de Clarence Hamilton voulant me concentrer davantage sur l’histoire de sa famille à Longue-Pointe. Mais il y aurait beaucoup à apprendre et à découvrir (Figure 16). Ce sera pour une autre fois.

Figure 16

Biographie officielle de Clarence Hamilton

© Assemblée nationale du Québec (2009)

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Je termine en évoquant les origines plus lointaines de la famille Hamilton de Québec et New Carlisle, des origines irlando-écossaises selon Annett.

Une branche de la famille écossaise des Hamilton s’est établie en Irlande grâce à Hugh Hamilton en 1616. Les descendants de cette branche irlandaise ont ensuite émigré au Québec depuis le comté de Meath, en Irlande. L’ancienne propriété familiale au Québec, appelée Hamwood, tire son nom des domaines irlandais des Hamilton, également appelés Hamwood.

(ANNETT 1983 : 3, ma traduction)

Si Annett a raison, ce domaine Hamwood en Irlande et reconstruit à Québec, serait le bâtiment connu à une certaine époque comme la Villa Manrèse [Web].

Bibliographie

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KAVANAGH, É. (2024). « Une famille Hamilton de New Carlisle », Paspaya.ca, 5e article, 11 décembre 2024 (mis à jour en juillet 2025).

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