Éric Kavanagh
Le 1er septembre 2024
Origines acadiennes, Thadée Leblanc, Élie Leblanc, Marie Bourg, Gaspésie, Carleton-sur-Mer, Tracadièche, agriculture.
Dans un texte précédent (2e article), j’ai présenté la famille de Thadée Leblanc et Véronique Lambert, de leur mariage en 1837 à Petite-Rivière jusqu’à leur décès à Longue-Pointe (1887 et 1897). Aujourd’hui, je tente de remonter encore un peu plus le fil de l’histoire en retraçant les origines premières du fondateur de Longue-Pointe.
Il y a plus de 220 ans était célébré un mariage entre deux Acadiens de la Baie-des-Chaleurs...
Thadée est le fils d’un couple de cultivateurs originaires de Carleton en Gaspésie (anciennement nommé Tracadièche, aujourd’hui Carleton-sur-Mer). Mariés le 1er mars 1802 (Figure 1), les parents de Thadée sont Élie Leblanc et Marie Bourg (Bourque), tous les deux Acadiens. Au jour de leur mariage, Élie a 28 ans, et Marie, 16 ans.
Figure 1
Acte de mariage d’Élie Leblanc et Marie Bourg (1802)
FamilySearch, registre de Saint-Joseph-de-Carleton, 1802
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« Le premier mars mil huit cent deux après la publication d’un ban de mariage et dispense des deux autres entre Joseph Élie Leblanc cultivateur de cette paroisse [Carleton] fils majeur de Joseph Leblanc et de Françoise Dugast ses père et mère de cette paroisse d’une part et Marie Bourg fille mineur de défunt Charles Bourg et de défunte Théotiste Savoie ses père et mère de cette paroisse d’autre part, ne s’étant découvert aucun empêchement nous soussigné prêtre avons reçu leur mutuel consentement et leur avons donnée la bénédiction nuptiale selon la forme prescrite par notre mère la ste. Église et ce en présence de Joseph Leblanc père Charles Leblanc frère de l’époux, et d’Édouard et Constant Bourg frères de l’épouse qui hors un seul ont déclaré ainsi que les époux ne savoir signer. Un mot rayé nul un surmonté bon. »
Note générale. La transcription des actes se fait en respectant le plus possible l’orthographe utilisée par le prêtre, incluant les erreurs.
Comme le précise l’acte de mariage, les parents des mariés (donc les grands-parents de Thadée) sont Joseph Leblanc et Françoise Dugas ainsi que Charles Bourg et Théotiste Savoie, tous les quatre aussi résidents de Carleton. Cet acte nous permet donc de découvrir de nouveaux ancêtres et de faire encore davantage remonter dans le temps nos origines.
Il y a beaucoup à dire sur l’histoire de nos ancêtres acadiens, et nous y reviendrons une autre fois. Mais donnons tout de même quelques indications sur le peuplement de la région de Carleton.
L’histoire de Carleton, [c’est] plus de deux siècles d’enracinement acadien, canadien-français, anglais, irlandais et jersiais dans cette partie de la Gaspésie méridionale. À la suite des tragiques événements de 1755 [la déportation], plusieurs Acadiens se réfugient sur les bords de la baie des Chaleurs. Pourchassés encore pendant quelques années, ils errent le long des côtes avant de se fixer définitivement. À l’automne de 1766, un groupe d’Acadiens venus de Bonaventure s’installent à Tracadièche. C’est le début d’une captivante histoire, d’une belle épopée qui se poursuit jusqu’à nos jours.
(LANDRY et LAVOIE 1997 : 19)
En attendant d’en découvrir davantage sur nos lignées acadiennes lointaines et sur certains de nos ancêtres qui ont fait l’histoire, allons à la rencontre des frères et sœurs de Thadée.
Élie et Marie auront au moins 12 enfants entre 1803 et 1826 : 2 filles et 10 garçons. Cette famille vivra de l’agriculture (et non de la pêche) dans la région de Carleton-Maria.
Presque 14 mois après le mariage et résidant alors, ô surprise, à Saint-Roch-de-l’Achigan dans Lanaudière, le couple Leblanc-Bourg voit la naissance de son 1er enfant en avril 1803 : Fidèle (Figure 2).
Figure 2
Acte de baptême de Fidèle Leblanc (1803)
FamilySearch, registre de Saint-Roch-de-l’Achigan, 1803
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« Le vingt trois avril l’an mil huit cent trois par nous soussigné prêtre curé de la paroisse Saint Roch [Lanaudière] a été baptisé Fidèle né aujourd’hui du légitime mariage d’Héli Leblanc navigateur et domicilié de cette paroisse, et de Marie Bourg. Le parain a été Alexis Bouchard, et la maraine Marguerite Dupuis. Le parain seul a déclaré savoir signer. Le père absent. »
Mais le garçon ne vivra que 2 mois. Décédé en juin 1803, il sera inhumé le lendemain dans le cimetière du même endroit (Figure 3).
Figure 3
Acte de sépulture de Fidèle Leblanc (1803)
Généalogie Québec, registre de Saint-Roch-de-l’Achigan, 1803
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« Le vingt cinq juin l’an mil huit cent trois par nous soussigné prêtre curé de la paroisse Saint Roch a été inhumé dans le cimetière de cette paroisse le corps de Fidel décédé hier, âgé de deux mois, fils d’Héli Leblanc navigateur et de Marie Bourk. Ont été présents Gaspart Lepage, et Charles Courteaux qui ont déclaré ne savoir signer »
On peut s’étonner de retrouver la jeune famille Leblanc-Bourg aussi loin de Carleton (aujourd’hui, il y a environ 800 km qui séparent les deux communautés en trajet automobile). Mais la chose se comprend mieux quand on sait que quelques paroisses du Québec constituent ce qu’on appelle historiquement des Petites Cadies, c’est-à-dire des villages fondés par des Acadiens arrivés à la suite de la déportation de 1755.
Les petites «Cadies» sont les endroits au Québec où les Acadiens des Maritimes sont venus s’établir. Les «Cadies» répondent à un mouvement naturel de survie : on se regroupe pour être plus fort et pour se protéger dans un milieu nouveau où l’on a besoin de s’entraider. Souvent la raison initiale du déplacement est la recherche d’un emploi. Les Acadiens ont de grandes familles et il n’y a pas assez d’emplois pour tout le monde. Les membres de ces familles cherchent du travail rémunérateur à l’étranger. [...] Car ils étaient partis prestement d’Acadie pour échapper à la déportation, pourchassés sans merci par les Anglais qui voulaient prendre leurs terres, avant de s’emparer du Canada. [...] À part la Nouvelle-Acadie de Saint-Gervais, dans la seigneurie de Livaudière Saint-Michel (Bellechasse), les Acadiens ont fondé cinq autres paroisses au Québec qui étaient, à l’origine, des petites «Cadies». Ce sont : Carleton et Bonaventure (en Gaspésie), Saint-Jacques-de-l’Achigan (dans Lanaudière, comté de Joliette) [à environ 10 km au nord de Saint-Roch-de-l’Achigan], Sainte-Marguerite-de-Blairfindie (L’Acadie, dans le Haut-Richelieu), et Saint-Grégoire (intégré à Bécancour, en face de Trois-Rivères).
(HÉBERT 2004 : 30-31)
Peut-être qu’Élie et Marie, formant alors un très jeune couple, ont cherché un lieu pour fonder leur famille ou encore pour améliorer leur sort en y rejoignant de la famille proche ou éloignée. On peut penser que les prêtres des différentes paroisses ont possiblement servi d’intermédiaires, ce qu’on a souvent vu dans l’histoire (je pense entre autres au rôle des prêtres dans l’exode de la quarantaine de familles de Nastashquan vers Saint-Théophile de Beauce en 1886). Autre fait intéressant, Élie est présenté comme navigateur alors qu’il était cultivateur lors de son mariage l’année précédente.
Le 2e enfant du couple vient au monde en décembre 1804, et il naît à Carleton, où son père est « redevenu » cultivateur. Sans doute en souvenir du premier fils, l’enfant sera aussi nommé Fidèle (Figure 4). Fidèle se marie à Carleton en 1834 avec Rose Guité, et ils auront au moins 16 enfants, tous nés à Carleton (deux actes spécifient Maria), entre 1834 et 1858. Dans les actes de baptême de ses enfants, Fidèle est toujours désigné comme cultivateur.
Figure 4
Acte de baptême de Fidèle Leblanc (1804)
FamilySearch, registre de Saint-Joseph-de-Carleton, 1804
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« Le seize décembre mil huit cent quatre par nous prêtre soussigné a été baptisé Fidel né hier du légitime mariage d’Eli Leblanc cultivateur de cette paroisse [Carleton] et de Marie Bourg, parain Armand Constant Bourg maraine Marie Leblanc qui ainsi que le père ont déclaré ne savoir signer. »
Un 3e enfant, Lazare, vient au monde en août 1806 (Figure 5). Le fait qu’il a été baptisé sous condition (en danger de mort) pourrait indiquer qu’il n’a pas survécu longtemps. Cependant, je pense qu’il a survécu au moins jusqu’à l’âge de 18 ans, car il semble recensé en 1825 (j’en parle plus loin). Notons un élément important : les parents sont maintenant désignés comme étant de Maria, et ce sera la même déclaration de lieu pour tous les baptêmes à venir.
Figure 5
Acte de baptême de Lazare Leblanc (1806)
FamilySearch, registre de Saint-Joseph-de-Carleton, 1806
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« Le dix-sept novembre dix-huit cent six par nous soussigné prêtre curé missionnaire de Tracadièche [Carleton] et autres lieux a été baptisé sous condition Joseph Lazare né le onze aoust du légitime mariage de Elie Leblanc cultivateur et de Marie Bourg de Maria. Parain Siffroi[?] Leblanc Maraine Marie Reine Bourg qui ont déclaré ne savoir signer, le père absent. »
Lucile, 4e enfant et première fille du couple, vient au monde en juin 1808 à Maria (Figure 6).
Figure 6
Acte de baptême de Lucile Leblanc (1808)
FamilySearch, registre de Saint-Joseph-de-Carleton, 1808
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« Le vingt huit juin dix huit cent huit, je soussigné prêtre missionnaire ai baptisé Lucile née le même jour du légitime mariage de Elie Leblanc cultivateur et de Marie Bourg de Maria, parain Edouard Bourg, maraine Irène[?] Landry, le parain seul a signé. »
Lucile décède en avril 1818 à l’âge de 9 ans et 9 mois (Figure 7).
Figure 7
Acte de sépulture de Lucile Leblanc (1818)
Généalogie Québec, registre de Saint-Joseph-de-Carleton, 1818
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« Le quinze avril mil huit cent dix huit par nous a été inhumée Lucile décédée d’avant hier fille d’Elie Leblanc et de Marie Bourg agée de neuf ans; Présens Elie Leblanc et Louis Normandeau qui n’ont su signer »
Cécile, deuxième et dernière fille du couple Leblanc-Bourg, est la 5e enfant de la famille. Née en avril 1810 (Figure 8), elle se marie en 1831 avec Raymond Porlier, cultivateur de Maria. Ils auront au moins 9 enfants entre 1832 et 1848.
Figure 8
Acte de baptême de Cécile Leblanc (1810)
FamilySearch, registre de Saint-Joseph-de-Carleton, 1810
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« Le vingt quatre avril dix-huit cent dix Je soussigné prêtre missionnaire ai baptisé Cecile née le même jour du légitime mariage d’Elie Leblanc cultivateur de Maria et de Marie Bourg, parain Magloire Bernard, maraine Jane Landry, le parain seul a signé, le père absent. »
Quatrième garçon et 6e enfant de la famille, Thadée est né en plein cœur de l’hiver gaspésien le 28 janvier 1812 à Maria (Figure 9). Ses parrain et marraine sont Alexis Porlier et Euphrosine Landry, son épouse. À l’âge de 25 ans, en septembre 1837, à Petite-Rivière, il se marie avec Véronique Lambert (Lambrette), âgée de 19 ans. Le couple fondateur de Longue-Pointe aura au moins 10 enfants (2e article).
Figure 9
Acte de baptême de Thadée Leblanc (1812)
FamilySearch, registre de Saint-Joseph-de-Carleton, 1812
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« Le deux février dix huit cent douze je soussigné prêtre missionnaire ai suppléé les cérémonies baptismales à Taddé né le vingt huit janvier du légitime mariage de Elie Leblanc cultivateur de Maria et de Marie Bourg, parain Alexis Porlier, maraine Euphrosine Porlier [Landry], qui ainsi que le père présent ne savent signer »
Lorsqu’il vient au monde, Thadée appartient donc à une famille acadienne formée de ses deux parents, Élie et Marie, et de ses quatres frères et sœurs aînés, Fidèle, Lazare, Lucile et Cécile. Ils forment une famille de sept en 1812. La vie de famille essentiellement agricole dans ce coin de pays gaspésien-acadien a très certainement forgé une partie de l’identité psychologique, culturelle et linguistique de notre patriarche Leblanc.
Pour contextualiser la naissance de Thadée, ajoutons pour l’anecdote que l’année 1812 est bissextile et qu’elle a aussi vu naître le célèbre écrivain britannique Charles Dickens (7 février) ainsi que la « guerre canado-américaine », qui mettra en scène une certaine Laura Secord.
La famille Leblanc-Bourg s’agrandit à nouveau en avril 1814 avec la naissance du 7e enfant et cinquième garçon, Joseph (Figure 10), qu’on nomme parfois Joseph Élie, comme son père. Il se marie avec Angélique Guillot (Diotte) en juillet 1842 à Carleton. Le couple aura au moins 10 enfants entre 1843 et 1860, tous nés à Carleton (un acte spécifie Maria). Joseph est toujours désigné comme cultivateur.
Figure 10
Acte de baptême de Joseph Leblanc (1814)
FamilySearch, registre de Saint-Joseph-de-Carleton, 1814
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« Le treize avril dix huit cent quatorze je soussigné prêtre missionnaire ai baptisé Joseph né depuis deux jours du légitime mariage de Elie Leblanc cultivateur de Maria et de Marie Bourg, Parrain Désiré Leblanc maraine Félicité Leblanc lesquels ne savent signer ainsi que le père présent. »
Le 8e enfant et sixième fils d’Élie et Marie est Philippe, né en avril 1816 (Figure 11).
Figure 11
Acte de baptême de Philippe Leblanc (1816)
FamilySearch, registre de Saint-Joseph-de-Carleton, 1816
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« Le dix neuf avril mil cent seize par nous a été baptisé Philippe né d’hier de Elie Leblanc habitant et de Marie Bourg, de Maria, parrain Josué Leblanc marraine Marie Mélanie St Coeur qui n’ont su signer »
Mais Phillipe ne survivra que 4 mois. L’enfant meurt en août de la même année (Figure 12).
Figure 12
Acte de sépulture de Philippe Leblanc (1816)
FamilySearch, registre de Saint-Joseph-de-Carleton, 1816
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« Le vingt quatre Aoust mil huit cent seize par nous a été inhumé Philippe decedé d’hier agé de quatre mois fils d’Elie Leblanc et de Marie Bourg habitans de Maria. Présens Antoine Cyr et John Willis qui n’ont su signer. »
Né en mai 1817, Édouard est le 9e enfant et septième fils du couple acadien (Figure 13). Il se marie avec Marie Anne Béliveau en octobre 1843 à Petite-Rivière (comme c’est le cas pour Thadée et Véronique en 1837). Est-ce qu’Édouard est allé y retrouver son frère aîné ? Édouard et Marie Anne ont eu au moins 12 enfants entre 1846 et 1869, à Grande-Rivière. Dans les actes de baptême de ses enfants, lorsque le métier est précisé, Édouard sera désigné comme pêcheur.
Figure 13
Acte de baptême d’Édouard Leblanc (1817)
FamilySearch, registre de Saint-Joseph-de-Carleton, 1817
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« Le vingt trois mai mil huit cent dix sept par nous soussigné ont été suppléées les cérémonies du baptême à Edouard agé de six jours, ondoyé par Pierre Saincoeur, fils légitime d’Elie Leblanc habitant de Maria et de Marie Bourg. Parrain Edouard Bernard, marraine Henriette Saincoeur qui n’ont point signé, le père présent. »
Vient ensuite Philippe, le 10e enfant et huitième fils du couple Leblanc-Bourg (Figure 14). Né en juillet 1820, Philippe se marie à Saint-Jacques-de-l’Achigan en avril 1847 avec Lucie Dugas. Dans l’acte de mariage, les parents de Philippe sont dits de la « bé des chaleurs ». Entre 1848 et 1875, Philippe et Lucie auront 16 enfants, tous nés à Saint-Jacques-de-l’Achigan. Dans les actes de baptême de ses enfants, Philippe est d’abord identifié comme cultivateur et, à partir de 1873, comme marchand.
Figure 14
Acte de baptême de Philippe Leblanc (1820)
FamilySearch, registre de Saint-Joseph-de-Carleton, 1820
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« Le vingt trois juillet mil huit cent vingt par nous soussigné prêtre missionnaire a été baptisé Philippe né hier du légitime mariage d’Helie Leblanc cultivateur de Maria et de Marie Bourg. Parain Fidèle Leblanc marraine Anne St Coeur qui n’ont su signer »
Baptisé en juin 1825, Raymond est le 11e enfant et neuvième fils du couple Leblanc-Bourg (Figure 15). L’acte de baptême ne précise pas sa date de naissance (forcément entre 1821 et 1825, mais plus probablement la même année que son baptême). Raymond se marie en août 1858 à Carleton avec Agnès Arseneau. Le couple aura au moins 9 enfants, à Carleton, entre 1859 et 1878. Raymond est toujours identifié comme cultivateur.
Figure 15
Acte de baptême de Raymond Leblanc (1825?)
FamilySearch, registre de Saint-Joseph-de-Carleton, 1825
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« Nous prêtre missionnaire soussigné certifions que Monsieur Antoine Gagnon missionnaire de Shediak a baptisé en notre absence, le quinze juin mil-huit-cent-vingt-cinq, Joseph Raymond fils d’Elie Leblanc, laboureur de Maria, et de Marie Bourg. Parrain Raymond Poirier, marraine Cécile Leblanc, qui, avec le père n’ont sû signer. Le susdit Monsieur Gagnon n’a pu enregistrer l’acte parce que les régistres étaient à Ristigouche Un mot sur ligne rayé est nul. »
À ce moment de l’histoire familiale Leblanc-Bourg, le clan compte dix membres : les deux parents, Élie et Marie, et les huit enfants, Fidèle (20 ans), Lazare (18 ans), Cécile (15 ans), Thadée (13 ans), Joseph (11 ans), Édouard (8 ans), Philippe (5 ans) et Raymond (tout juste né). Et c’est exactement ce que nous confirme le recensement de 1825 (Figure 16), fait à Maria entre le 20 juin et le 20 septembre de cette année-là.
Figure 16
Famille Leblanc-Bourg au recensement de 1825
Bibliothèque et Archives Canada, recensement du Bas-Canada (Québec), district de Gaspé, 1825
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« Elie Le Blanc
[Total dans chaque famille] 10
[Moins de 6? ans] 2
[Plus de 6 ans, moins de 14? ans] 3
[Plus de 14 ans, moins de 18 ans] 1
[Célibataire entre 18 et 25 ans] 1
[Femme célibataire entre 14? et 45 ans] 1
[Femme mariée entre 14? et 45 ans] 1. »
Enfin, un an après le recensement, en septembre 1826, arrive Rémi, le dixième fils, 12e et dernier enfant d’Élie et Marie (Figure 17).
Figure 17
Acte de baptême de Rémi Leblanc (1826)
FamilySearch, registre de Saint-Joseph-de-Carleton, 1826
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« Le vingt-cinq septembre mil-huit cent-vingt-six par nous prêtre missionnaire soussigné a été baptisé Rémi, né le jour précédent, du légitime mariage de Elie Leblanc, cultivateur de Maria et de Marie Bourg. Parrain Pierre Leblanc, marraine Rachel Porlier, lesquels ont déclaré ne scavoir signer de ce requis. »
Rémi décède presqu’une année plus tard (Figure 18). Son corps sera inhumé dans le cimetière de Carleton.
Figure 18
Acte de sépulture de Rémi Leblanc (1827)
Généalogie Québec, registre de Saint-Joseph-de-Carleton, 1827
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« Le vingt trois septembre mil huit cent vingt sept par nous prêtre missionnaire soussigné ont été suppléées les cérémonies de la sépulture dans le cimetière de Carleton, sur le corps de Remi décédé le deux du présent âgé de onze mois, fils légitime de Elie Leblanc cultivateur de Maria et de Marie Bourg. Présents Grégoire Commeau et Joseph Landry, lesquels ont déclaré ne scavoir signer de ce requis »
Voilà qui complète ce portrait de la famille d’Élie Leblanc et Marie Bourg (Tableau 1). Outre la parenthèse de vie dans Lanaudière en 1803 au tout début de leur union, le couple a vécu de l’agriculture dans la région de Maria pour ce qui semble être la totalité de son existence. Parmi les enfants s’étant mariés, 5 sur 7 sont aussi devenus agriculteurs, soit dans la région de Carleton-Maria (Fidèle, Cécile, Joseph, Raymond), soit dans Lanaudière (Philippe). Thadée et Édouard sont devenus pêcheurs, à la suite d’une migration vers l’est, rompant ainsi avec le mode de subsistance familiale.
Tableau 1
La fratrie de Thadée
| Prénom et date de naissance |
Lieu de naissance | Occupation | |
|---|---|---|---|
| 1 | Fidèle 23 avril 1803 | Saint-Roch-de-l’Achigan | ✝ décédé à 2 mois |
| 2 | Fidèle 15 décembre 1804 | Carleton | cultivateur à Carleton |
| 3 | Lazare 11 août 1806 | Maria | sans doute à Carleton-Maria au recensement de 1825 |
| 4 | Lucile 28 juin 1808 | Maria | ✝ décédée à 9 ans et 9 mois |
| 5 | Cécile 24 août 1810 | Maria | cultivateur (son mari) à Maria |
| 6 | Thadée 28 janvier 1812 | Maria | pêcheur à Petite-Rivière (2e article) |
| 7 | Joseph 11 avril 1814 | Maria | cultivateur à Carleton |
| 8 | Philippe 18 avril 1816 | Maria | ✝ décédé à 4 mois |
| 9 | Édouard 17 mai 1817 | Maria | pêcheur à Grande-Rivière |
| 10 | Philippe 22 juillet 1820 | Maria | cultivateur à Saint-Jacques-de-l’Achigan, marchand |
| 11 | Raymond 15 juin 1825 | Maria | cultivateur à Carleton |
| 12 | Rémi 24 septembre 1826 | Maria | ✝ décédé à 11 mois |
Il est risqué de spéculer sur les raisons qui ont motivé Thadée à passer de la vie agricole à celle de pêcheur. Peut-être que les perspectives étaient meilleures, mais il est permis d’en douter tant la vie de pêcheur était difficile. Afin de mieux comprendre le contexte de vie de Thadée, voici un bref portrait administratif de la Gaspésie en 1820 (Thadée avait alors 8 ans).
[...] en 1820, en Gaspésie, il n’y a pas de notaires, une confusion totale concernant la propriété foncière, aucune paroisse canoniquement érigée, une administration de la justice très défectueuse, pratiquement pas de routes, seulement deux écoles, pas de lois efficaces pour prévenir l’introduction des maladies contagieuses, de fréquents et fâcheux naufrages sur la côte, etc.
(Taschereau et Juchereau-Duchesnay 1821 d’après LANDRY et LAVOIE 1997 : 37)
Sans investigation très approfondie, j’aurais tendance à d’abord cibler la question de la disponibilité des terres en Gaspésie. Peut-être que, faute de terre à cultiver, Thadée a dû se tourner vers la mer. Depuis des années, la question de la disponibilité et de la propriété des terres était au cœur des préoccupations des Acadiens de la Baie-des-Chaleurs.
Reste que les Acadiens de la rive nord de la Baie-des-Chaleurs n’obtiennent leurs titres de propriété qu’en 1836 seulement! [Thadée a déjà 24 ans] [...] l’implantation de la communauté acadienne dans la région ne s’est pas faite sans heurts : après des années de pérégrinations, les démarches liées à l’appropriation du territoire apparaissent comme un long chemin parsemé d’embûches.
(BLAIS 2005 : 4)
Soudainement, c’est le roman L’ombre de l’épervier (1988) qui me revient en mémoire (et la série du même nom diffusée à Radio-Canada de 1998 à 2000). Son auteur, Noël Audet, est né à Maria en 1938. Le roman met en scène Pauline Leblanc et Noum Guité, couple qui tente de tenir tête à une toute puissante entreprise de pêche alors que le père de Pauline (Albert Leblanc) espère davantage une vie agricole pour sa fille. Ce tiraillement entre terre et mer fait partie de notre histoire.
Il faut d’abord préciser que si Albert Leblanc passait encore pour pauvre, sa pauvreté relative était simplement due à la faible valeur marchande, à cette époque-là, de sa magnifique ferme qui comprenait toute l’anse, de la pointe ouest jusqu’à la pointe est, très avancée dans la mer. [...] une ferme, bien entendu, qui s’allongeait jusqu’au pied des montagnes, et qu’il cultivait en poète, les yeux plus souvent égarés qu’attentifs à la glèbe.
(AUDET 2013 [1988] : 40-41)
Thadée, coincé entre terre et mer... Mais peut-être n’aimait-il tout simplement pas le travail de la terre ? Qui sait...
Élie meurt à Carleton le 28 mars 1855 à l’âge de 81 ans et 6 mois (Figure 19), puisqu’il est né en septembre 1773 aussi à Carleton (Tracadièche). Au décès de son père, Thadée est âgé de 43 ans et réside sans doute à Petite-Rivière ou à Cap-d’Espoir.
Figure 19
Acte de sépulture d’Élie Leblanc (1855)
Généalogie Québec, registre de Saint-Joseph-de-Carleton, 1855
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« Le trentième mars mil huit cent cinquante cinq, nous soussigné prêtre missionnaire avons inhumé dans le cimetière de cette mission [Carleton] Elie Leblanc, époux de Marie Bourk, décédé l’avant-veille en cette mission à l’âge de quatre vingt deux ans environ. Étaient présents Joseph Landry et Wenceslas Leblanc qui n’ont pu signer. Un mot rayé nul. »
Marie meurt quinze ans plus tard, elle aussi à Carleton, le 11 novembre 1870 (Figure 20), à l’âge de 84 ans et 10 mois puisqu’elle est née en janvier 1786 dans la même paroisse. Thadée a 58 ans lorsque sa mère décède et il vit à Longue-Pointe.
Figure 20
Acte de sépulture de Marie Bourg (1870)
Ancestry.ca, registre de Saint-Joseph-de-Carleton, 1870
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« Le treize novembre mil huit cent soixante et dix, nous prêtre soussigné avons inhumé dans le cimetière de cette paroisse [Carleton] le corps de Marie Bourque, décédée l’avant veille à l’âge de quatre vingt cinq ans, épouse de feu Elie LeBlanc, cultivateur, de cette paroisse. Présents, Vinceslas LeBlanc et Raymond LeBlanc, fils de la défunte, qui n’ont su signer. »
Considérant la distance entre les différents villages, les difficultés de voyager, l’impossibilité de se priver de nombreuses journées de pêche, etc., on imagine que Thadée a été des années sans revoir ses parents après son départ de Carleton-Maria. Mais ne sait-on jamais...
À propos de Maria et Carleton, on écrira :
Les paroisses de Maria et Carleton sont deux sœurs jumelles. Elles ont grandi côte à côte, [se sont] adonnées aux mêmes travaux de la terre et de la mer, nourrissant les mêmes espérance, les mêmes légitimes ambitions. Ajoutons que comme toutes les petites sœurs, elles se sont parfois chicanées un peu. Querelles sans gravité, frictions passagères. Les deux populations, dans l’ensemble, s’estiment mutuellement et s’intéressent à toutes les démarches de la voisine. Elles ont en commun, non seulement beaucoup de noms de famille, mais aussi des traits de caractère, des marques de parenté et d’héridité. Les deux noms de Carleton et Maria remontent loin, ils datent du XVIIIe siècle.
(MARIA 1959 : 13)
Aujourd’hui, il y a environ 14 km qui séparent Carleton (à l’ouest) de Maria (à l’est). Mais on peut supposer que la famille d’Élie Leblanc et Marie Bourg – et donc Thadée – vivait alors sans doute plus près de Carleton, peut-être à la Pointe-Bourg ou encore à ce qui correspond aujourd’hui à Maria-Ouest (Figure 21).
Figure 21
Carte de la région de Carleton-Maria
Snazzy Maps et Google 2024 pour le fond de carte
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Pointe-Bourg est nommé d’après les frères Charles et Mathurin Bourg, respectivement grand-père et grand-oncle de Thadée. C’est sur cette terre qu’on espérait construire la première église de Maria.
La dite terre est bornée à l’ouest par les représentants de Pierre Marcoux, écuyer, et à l’est par la terre de Charles Bourg [grand-père maternel de Thadée], frère du missionnaire Mathurin Bourg qui dessert Carleton à partir de 1773. Revenu de France en 1774, sur une goélette des Robin qui ramenait à la baie des Chaleurs 81 exilés acadiens, Charles Bourg (Bourque) s’est fixé à la Pointe-Bourg, dans l’ancien Tracadièche devenu le township de Carleton. Il l’a fait parce que les terres plus rapprochées de la petite église de Carleton sont déjà occupées, depuis 1755, par des fuyards du Grand Dérangement : les Landry, Leblanc, Dugas, Comeau et leurs compagnons d’exil. [...] On délaisse l’idée d’une église à la Pointe-Bourg, que deux générations de pionniers ont nourri. On veut mettre plus de distance entre les deux clochers, sans trop s’inquiéter de la limite des deux cantons. Pourtant, nos arrière-grands-pères ne pouvaient prévoir qu’un jour des automobiles rouleraient à belle vitesse sur des routes asphaltées ! Ils veulent, simplement, que les deux clochers ne se voient pas l’un l’autre.
(MARIA 1959 : 13-14)
Une autre fois, je viendrai raconter plus en détail l’histoire de ce coin de pays, des événements importants qui s’y sont passés et dans lesquels nos ancêtres ont joué un rôle d’importance. Il sera question des Bourg, des Dugas et certainement des Leblanc dit Girouard, notre lignée spécifique.
Prenons note du fait que d’autres branches de la très grande famille Leblanc d’Acadie (depuis le pionnier Daniel) ont aussi pris racine en Minganie et à Longue-Pointe au fil des siècles.
AUDET, N. (2013 [1988]). L’ombre de l’épervier, Bibliothèque québécoise, 630 p.
BLAIS, C. (2005). « Pérégrinations et conquête du sol (1755-1836) : l’implantation acadienne sur la rive nord de la Baie-des-Chaleurs », Acadiensis, 35(1), 3-23.
HÉBERT, P.-M. (2004). « Les petites "Cadies" du Québec », Cap-aux-Diamants, 77, 30-33.
LANDRY, M. et LAVOIE, L. (1997). Histoire de Carleton (Tracadièche) 1766-1996, Septentrion, 332 p.
MARIA (1959). Le centenaire de la paroisse de Maria 1860-1960, livre-souvenir préparé et publié par un comité de personnes de Maria, 147 p.
Ce texte est protégé par une licence Creative Commons CC BY-NC-SA 4.0. Le citer ainsi :
KAVANAGH, É. (2024). « L’origine acadienne de Thadée Leblanc », Paspaya.ca,
3e article, 1er septembre 2024.
Il est impossible de faire ce genre de travail d’analyse sans commettre erreurs et imprécisions ni sans laisser çà et là des coquilles qui échappent à l’attention, même après de nombreuses relectures. Merci de me les signaler, et n’hésitez pas à donner vos commentaires : erickavanagh99 à gmail point com.
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