La famille de Thadée Leblanc
et Véronique Lambert

L’un des faits les mieux connus de l’histoire de Longue-Pointe est certainement sa fondation par Thadée Leblanc et sa famille (LOISELLE 1999, COMITÉ DU 150^e 1999). Bien que, pour le moment, aucune documentation d’origine ne semble prouver l’arrivée de « grand-père Thadée » aussi tôt qu’en 1849 (Figure 1), un examen des sources généalogiques peut cependant nous informer davantage sur les origines de cette famille gaspésienne.

Mariage du couple fondateur

Thadée Leblanc, pêcheur âgé de 25 ans, et Véronique Lambert (Lambrette), âgée de 19 ans, se marient le 14 septembre 1837 (Figure 2). Ils sont alors tous les deux domiciliés à Petite-Rivière en Gaspésie.

Cet acte de mariage nous permet de faire remonter nos origines Leblanc d’une génération supplémentaire. En effet, on y apprend que les parents de Thadée sont Élie Leblanc et Marie Bourg (Bourque) de Maria et que ceux de Véronique sont Alexandre Lambert (Lambrette) et Louise Cyr de Nouvelle. Des origines acadiennes se manifestent clairement.

Bien que le toponyme Petite-Rivière puisse concerner quelques localités gaspésiennes au fil de l’histoire (je pense notamment à Barachois : GAGNON 2022), le Musée de la Gaspésie, dans un échange courriel du 6 août 2024, m’écrit ceci : « À une certaine époque, Petite-Rivière était ce qu’on appelle aujourd’hui Sainte-Thérèse-de-Gaspé. Donc le village entre Cap-d’Espoir et Grande-Rivière. Cette appellation est aussi employée pour certains endroits à New Richmond ». Le site Web de la municipalité confirme cela :

Sainte-Thérèse-de-Gaspé est reconnue officiellement comme municipalité le 6 septembre 1930 et le premier conseil municipal fut élu le 1^er octobre de la même année [...]. Nommée en l’honneur de Ste-Thérèse-de-Lisieux, la municipalité englobe tout le territoire de la Petite-Rivière, St-Isidore, Duguesclin et Sainte-Thérèse-de-Gaspé-Station. La municipalité fait partie de la MRC du Rocher-Percé. Elle est située sur la pointe sud-est de la péninsule gaspésienne. Elle est bornée, à l’Ouest, par la ville de Grande-Rivière et à l’Est, par la ville de Percé. La municipalité de Sainte-Thérèse-de-Gaspé occupe un territoire de 34,36 kilomètres carrés et comptait une population de 1109 habitants au recensement de 2006. Elle est donc aujourd’hui la plus petite municipalité de la MRC du Rocher-Percé et ce autant en terme de population qu’en superficie. La municipalité demeure l’un des plus importants ports de pêche au Québec quant à la valeur des débarquements [Google Maps].

(Site Web de Sainte-Thérèse-de-Gaspé, consulté le 24 août 2024 [Web])

Les enfants de Thadée et Véronique

Entre 1838 et 1861, soit sur une période de 23 ans et essentiellement en Gaspésie, Thadée et Véronique auront au moins 10 enfants. Je dis au moins parce qu’il est toujours difficile d’en avoir la certitude absolue. Pour le moment, je ne ferai qu’un survol de chacun, mais je reviendrai une autre fois sur plusieurs d’entre eux.

Aînée de la famille venue au monde 10 mois après le mariage de ses parents, Marguerite est née le 5 juillet 1838. Dans son acte de baptême (Figure 3), on apprend que Thadée était alors cultivateur à Tracadièche (Carleton). À l’âge de 16 ans, en 1855, Marguerite épouse Ambroise Collin. Ils sont les ancêtres de tous les Collin de Longue-Pointe, et mes arrière-arrière-arrière-grands-parents par ma grand-mère Mary Collin.

Vient au monde ensuite une deuxième fille, Marie, née un jour de mai 1840, le prêtre n’ayant pas inscrit de date précise (Figure 4). Bien qu’aucun lieu de naissance ne soit précisé, le fait que l’acte de baptême se trouve dans le registre de Percé (Saint-Michel) laisse penser que la famille a quitté la région de Carleton et se trouve désormais plus à l’est (retour à Petite-Rivière, lieu de mariage des parents ?). Marie épouse d’abord Théophile/Philippe Beaudin en 1859, à l’âge de 19 ans, et Guillaume/William Girard lors d’un second mariage en 1869. Plusieurs familles de la Minganie descendent de ce couple.

Troisième enfant et 3^e fille du couple Leblanc-Lambert, Louise vient au monde à Petite-Rivière le 17 avril 1842 (Figure 5). Elle porte le même prénom que celui de sa grand-mère maternelle, Louise Cyr. À l’âge de 19 ans, en 1861, elle épouse Napoléon St-Cœur. Des familles Vaillancourt et Paquet de Longue-Pointe descendent de ce couple.

Quatrième enfant et 1^er fils du couple, Élie est né le 22 avril 1844 à Petite-Rivière (Figure 6). On suppose aisément que le prénom du premier fils est donné en rappel du père de Thadée, Élie Leblanc. En 1869, à 24 ans, il épouse Marie Lambert, sa cousine germaine. Quatre ans plus tard, en 1873, il épouse Élisabeth/Léa/Liobé Dupuis, veuve de Félix Dunn. Une famille de Leblanc de Longue-Pointe descend du couple Élie-Léa. Ce sont mes arrière-arrière-grands-parents par ma grand-mère maternelle, Alice Leblanc.

Cinquième enfant du couple et 4^e fille, Euphémie vient au monde le 15 août 1846 à Petite-Rivière (Figure 7). Son père est de nouveau déclaré pêcheur. Elle épouse John Beaudin en 1866. Je n’ai pas encore étudié leur descendance, mais j’imagine que des familles de Rivière-Saint-Jean descendent de ce couple.

Sixième enfant du couple et 2^e fils, Thadée J^r est né à Petite-Rivière le 5 septembre 1848 (Figure 8). Il ne semble pas s’être marié.

Thadée J^r meurt le 27 octobre 1923 à Longue-Pointe à l’âge de 75 ans et 2 mois, même si l’acte indique 74 ans (Figure 9).

Pauline vient au monde le 21 août 1851 à Petite-Rivière (Figure 10). Elle est la 7^e enfant et 5^e fille du couple Leblanc-Lambert.

Mais Pauline meurt le 9 février 1853 (Figure 11). Elle n’aura vécu qu’un an et demi.

Le 8^e enfant et 3^e garçon de la famille, Philippe, vient au monde le 19 décembre 1853 à Petite-Rivière (Figure 12). Il ne s’est probablement pas marié puisqu’il est décédé en mars 1871 à l’âge de 17 ans et 3 mois.

L’histoire est un peu la même pour Apolline, la 9^e enfant et 6^e fille de la famille. Elle vient au monde le 25 mars 1856 (Figure 13), mais décède elle aussi en mars 1871 à l’âge de 15 ans. Le lieu de naissance n’est plus Petite-Rivière mais bien Cap d’Espoir, quelques kilomètre plus à l’est.

Enfin, Hélène, la dernière de la famille, vient au monde le 2 février 1861 à Longue-Pointe (Figure 14). C’est la seule de la famille qui naîtra en Minganie, et son baptême constitue la toute première mention de Longue-Pointe dans le registre de Pointe-aux-Esquimaux (Havre-Saint-Pierre). À 15 ans et 9 mois, en novembre 1876, Hélène épouse Pierre Vaillancourt à Longue-Pointe. Le couple aura de très nombreux descendants, dont je suis. En effet, Hélène est mon arrière-arrière-grand-mère par mon grand-père maternelle, Amédée Beaudry.

La famille au fil des recensements

La famille est recensée à Longue-Pointe en 1861 (Figure 15) : en plus des parents, Thadée et Véronique, on trouve 8 enfants et le conjoint de Marie, Philippe Beaudin. L’aînée, Marguerite, est recensée ailleurs en Minganie avec son époux Ambroise Collin, et, comme on l’a vu, Pauline est décédée en 1853. On remarquera que les âges déclarés coïncident très peu avec la réalité, ce qui constitue un phénomène très courant dans ce genre de document. Deux maisons en bois sont déclarées, celle du patriarche et celle de Philippe Beaudin.

Dix ans plus tard, au recensement de 1871, une liste intitulée Dénombrement des morts des derniers douze mois nous apprend que la famille Leblanc-Lambert a durement été frappée par la maladie (Figure 16). En effet, on y trouve le nom de 3 enfants : Marguerite, Philippe et Apolline.

Les trois enfants seraient décédés en mars 1871 de la « fièvre lente ». Voici ce qu’en dit la célèbre encyclopédie de Diderot et D’Alembert (18^e siècle), cœurs sensibles s’abstenir :

Fievre lente, febris chronica, lenta. Febricula lenta, Cels. Fievre continue ou remittente, par laquelle la nature s’efforce lentement de se débarrasser de l’amas croupissant du sang ou des humeurs dans quelqu’un des principaux visceres, & de préserver cette partie du danger qui la menace. [...] La fievre lente se manifeste par une chaleur non naturelle, à peine sensible au tact & aux yeux du medecin ; le pouls foible, fréquent, inégal ; des urines troubles qui déposent en s’éclaircissant, un froid interne avec de legers tremblemens, de la pesanteur dans les membres, de la lassitude sans travail, une langue blanche, une bouche seche, le manque d’appétit : ces symptomes sont succédés par des sueurs abondantes pendant la nuit, une soif continuelle, l’abattement des forces, le dépérissement, la maigreur, la cacochymie, & autres maux qui en résultent. Ses causes. La fievre lente se forme insensiblement dans la santé par la destruction de l’équilibre, par les passions tristes de l’ame, par l’habitation des pays marécageux, par la corruption spontanée des humeurs dans les scorbutiques & dans les femmes attaquées de fleurs blanches. Elle tire aussi son origine de l’obstruction des visceres, de quelque maladie aiguë qui a précédé, de fievres intermittentes de toute espece qui ont été mal gouvernées, de la suppression des évacuations accoûtumées, ou au contraire de L’épuisement des forces par de trop grandes évacuations, soit de sang, soit des humeurs.

(DIDEROT et LE ROND D’ALEMBERT 1751-1772)

C’est donc un famille réduite en raison de la maladie qu’on retrouve au recensement de 1871 (Figure 17). Deux petits-enfants vivent avec Thadée et Véronique : Alphonsine Leblanc, fille d’Élie et Marie Lambert, et Hippolyte Beaudin, fils de Marie et Philippe Beaudin. Thadée J^r et Hélène vivent aussi dans la maisonnée Leblanc-Lambert.

Dix ans plus tard, au recensement de 1881, Thadée et Véronique hébergent Thadée J^r ainsi qu’Élie et ses deux enfants, Alphonsine et Alphonse (Figure 18). On l’a vu, Alphonsine est issue du mariage entre Élie et Marie Lambert alors qu’Alphonse est issu du mariage entre Élie et Élisabeth/Léa/Liobé Dupuis. Alphonse est l’ancêtre par lequel s’est transmis, à Longue-Pointe, le nom Leblanc de la lignée Leblanc-Lambert. Certes, il existe d’autres lignées Leblanc à Longue-Pointe et en Minganie.

Décès de Véronique et de Thadée

Véronique meurt à Longue-Pointe le 8 décembre 1887 (Figure 19). Comme elle est née en juin 1818 (vérifié), elle était effectivement âgée de 69 ans à son décès.

Thadée décède 10 ans plus tard à Longue-Pointe, soit le 25 octobre 1897 (Figure 20). Bien que l’acte le dise âgé de 92 ans, il avait en fait 85 ans puisqu’il est né en janvier 1812.

Fait curieux : alors que Thadée était toujours vivant en 1891, je n’ai pas pu le trouver dans le recensement de la même année. Était-il hors de la région ? Dans un hôpital ? Est-ce un oubli ou une erreur de transcription ? Peut-être une erreur de lecture de ma part... J’analyserai plus en détail ce recensement une autre fois.

Portrait de famille

Thadée et Véronique sont donc les parents de 10 enfants, tous nés en Gaspésie à l’exception de la petite dernière (Tableau 1). Le fait que les dates de naissance sont assez rapprochées laisse penser que le décompte est complet. Cependant, dans l’acte du 1^er mariage d’Élie (avec Marie Lambert), on trouve la mention « en présence de Laurent LeBlanc frère de l’époux ». Je n’ai pas retrouvé la trace de ce frère présumé. Il est possible qu’ait existé cet 11^e enfant Leblanc-Lambert, mais il est plus probable qu’il s’agisse du cousin de Thadée, Laurent Leblanc, fils de Pierre et Rachel Porlier, époux de Marie McGee, également domicilié à Longue-Pointe.

En analysant la généalogie des gens recensés à Longue-Pointe en 1931 (1^er article), j’observe que 106 des 326 Paspayas identifiés – soit le tier de la population du village à cette époque – sont des descendants du couple de fondateurs Leblanc-Lambert (Tableau 2). Seul le couple de pionniers Alexis Vaillancourt et Joséphine Aubut a davantage de descendants, à savoir 165 des 326 Paspayas, c’est-à-dire la moitié de la population du village d’alors.

Dans un prochain article, j’explorerai les origines de la famille dans laquelle a grandi Thadée Leblanc.

Bibliographie

COMITÉ DU 150^e (1999). Longue-Pointe-de-Mingan. 150 ans de labeur et de bonheur 1849-1999, calendrier commémoratif, 42 p.

DIDEROT, D. et LE ROND D’ALEMBERT, J. (dir.) (1751-1772). « Fièvre lente », Encyclopédie, ou dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, version électronique de l’ARTFL Encyclopédie Project (Autumn 2022 Edition), University of Chicago, encyclopedie.uchicago.edu. [Web]

GAGNON, P. (2022). « Célébrons le 350^e anniversaire de l’établissement permanent de Petite-Rivière à Barachois », Magazine Gaspésie, 204/59(2), 49-52.

LOISELLE, M. (1999). Longue-Pointe-de-Mingan au temps du cométique 1892-1930, 2^e édition, Les éditions Nord-Côtières, 163 p.

TANET, C. et HORDÉ, T. (2022). Dictionnaire des prénoms, Larousse, 675 p.