Longue-Pointe au temps du recensement de 1931

Le 1^er juin 2023, le gouvernement fédéral rendait disponibles les données nominatives du recensement de 1931 (BAC 2023). Une armée de généalogistes et d’historiens ont alors pris d’assaut Internet pour consulter ces données précieuses enfin dévoilées après 92 ans, comme le prescrit la Loi sur la statistique (article 18.1, par. 1). Poussé par la même curiosité, je me suis empressé moi aussi de les consulter pour y extraire les 7 pages (plus une page de présentation) décrivant la population de Longue-Pointe à cette époque.

La personne chargée de faire l’énumération pour Longue-Pointe (et pour la partie non innue de Mingan) était Duncan Burgess (il signe Duncan George Burgess), habitant du village et lui-même recensé avec sa famille. Il a inscrit les renseignements en anglais – sa langue maternelle – dans un formulaire officiel comportant 50 lignes par page. Chaque ligne numérotée représente une personne à propos de laquelle on recueille plusieurs renseignements (nom, prénom, relation par rapport au chef de famille, statut marital, âge, religion, langue parlée et écrite, occupation, etc.). Voici les pages en question.

Ce recensement, le 7^e depuis la Confédération en 1867, s’est déroulé du 1^er au 6 juin 1931 (selon les notes en marge du document), ce qui respecte les instructions officielles d’Ottawa :

La date fixée pour le dénombrement de la population, en vue du présent recensement, est lundi le premier jour de juin 1931. […] À moins d’instructions contraires pour certaines localités, les énumérateurs sont tenus de commencer le recensement de leurs districts respectifs, lundi, le 1^er jour de juin, et de le poursuivre tous les jours sans interruption, excepté les dimanches, jusqu’à ce qu’ils aient terminé leur travail.

(BFS 1931 : 101)

Pour un grand total de...

Au début de juin 1931, à la fin des 6 jours de recensement, on dénombre 326 habitants à Longue-Pointe : 171 hommes ou garçons (52,5 %) et 155 femmes ou filles (47,5 %). En guise de comparaison, c’est la moitié de la population que le village allait atteindre en 1981, soit 50 ans plus tard.

Mais attention ! Il y a des Paspayas ailleurs, notamment à Mingan (Nellie Jane Vibert, Joseph Ward) et au Havre, où plusieurs sont déclarés « logeur » ou « logeuse ». Il est très difficile de les identifier hors de tout doute et de savoir s’ils sont temporairement hors de Longue-Pointe ou partis indéfiniment. Pour ce qui est de l’île aux Perroquets, aucune entrée ne se trouve dans le recensement. Toutefois, Hector Vigneau (50 ans), fils de Placide Vigneau (décédé le 2 mars 1926), est recensé à Havre-Saint-Pierre la même année. Il est identifié comme gardien de phare, et, bien que ce ne soit pas précisé, il s’agit sans aucun doute du phare de l’île aux Perroquets. Hector vit avec une femme de 77 ans, rentière, identifiée comme veuve (sans que son nom ne soit précisé). Il s’agit très certainement de Suzanne Chevarie, 3^e épouse de Placide. Même si Hector est identifié comme son fils, elle n’est pas sa mère biologique. En effet, Hector est le fils de Victoire Doyle (décédée le 7 avril 1883), 2^e épouse de Placide.

État de la propriété

À Longue-Pointe en 1931, on dénombre 45 maisons, toutes séparées et construites en bois. Les chefs de famille sont tous propriétaires, à l’exception d’une maison louée à la famille de Robert Cabot et Ruth Cassivi (1 enfant). La moyenne de la valeur des maisons est de 684 $ pour un total de 30 100 $ pour l’ensemble du village. La moins chère est évaluée à 150 $ (Damase Gagnon et Éva Maltais), et la plus chère, à 2000 $ (James Vibert et Catherine Smith). Elles comptent 5,1 chambres en moyenne – les plus modestes ayant 2 chambres, et les plus grandes, 11 chambres –, pour un total de 230 chambres dans tout le village. La radio, grande technologie de l’époque, n’a pas encore fait son entrée dans les maisons de Longue-Pointe : aucune famille ne déclare en posséder une.

Les récepteurs se font rapidement une place dans les foyers québécois à partir des années 1930. La radio devient un lieu d’information majeur et un passage obligé tant pour les politiciens, les vedettes de la chanson, que pour les religieux. Par ses émissions originales, la radio francophone commerciale et étatique devient un vecteur important de la littérature, de la musique classique et populaire et du théâtre québécois.

(WIKIPÉDIA 2024)

Je n’ai pas encore effectué la recherche, mais on peut se demander avec grande curiosité ce qu’une radio pouvait capter en 1931 à Longue-Pointe. Est-ce que le coût d’acquisition en valait déjà la peine ?

Dans le Calendrier du 150^e (1999), on trouve la mention suivante dans la case du 25 juillet, qui nous informe à la fois sur l’évolution de la radio à Longue-Pointe et sur l’identité de Robert Cabot :

1939. Cette année, M. Guillaume Méthot est le deuxième chanceux à avoir une radio à batteries après M. Robert Cabot, gérant des Clarke, qui en possède une depuis 1937.

(COMITÉ DU 150^e 1999)

Les couples de 1931

En plus des 45 familles mentionnées, 9 maisonnées hébergent d’autres couples ou parents :

1. Joachim Chiasson (veuf d’Annie Girard) héberge la famille d’Henri Gagnon et Marie Jeanne Boucher (2 enfants)
2. Richard Collin et Élise Ward hébergent le père de Richard, Christophe Collin
3. Damase Gagnon et Éva Maltais hébergent les parents de Damase, Hubert Gagnon et Mathilda Gravel
4. Narcisse Gagnon et Palma Boudreau hébergent le jeune couple Paul Bond et Luciana Boucher (sans enfant)
5. Théodule Gravel et Mathilda Gravel hébergent leur fils Albert et sa femme Yvonne Vaillancourt (sans enfant)
6. Ambroise Paradis et Nancy Vibert hébergent la mère de Nancy, Marguerite/Mary Jane Lebrun
7. Alfred Vaillancourt et Léa St-Cœur hébergent la famille de leur fils Elzéar et Délima Gravel (6 enfants)
8. Joseph Vaillancourt et Jeanne d’Arc Collin hébergent les parents de Joseph, Pierre Vaillancourt et Hélène Leblanc
9. James Vibert et Catherine Smith hébergent la famille de leur fils Wallace et Anna Chiasson (4 enfants).

Au total, il y a donc 54 couples à Longue-Pointe en 1931. J’inclus dans ce décompte les veufs et les veuves, à l’exception de deux personnes que je n’ai pas identifiées pour le moment : 1) Alexandre Vaillancourt, veuf de 74 ans hébergé chez Théodule Gravel et Mathilda Vaillancourt, et 2) Mary Loiselle, veuve de 70 ans hébergée chez Guillaume Méthot (son neveu) et Odina Rail.

Voici la liste de ces couples, présentée en trois tableaux. Le premier tableau ordonnance les couples par le nom de famille des époux, alors que le deuxième les classe par le nom de famille des épouses. Le troisième les présente par ordre décroissant de la durée du mariage. Dans tous les cas, par des recherches généalogiques (Ancestry, FamilySearch, PRDH-IGD, BMS2000), j’ai rétabli le nom de jeune fille des femmes et ajouté le nom des parents ainsi que la date du mariage et sa durée à compter de juin 1931. Pour les veufs/veuves, la durée du mariage est calculée de la date du mariage à celle du décès du conjoint ou de la conjointe.

Voici le même tableau, cette fois ordonnancé par les épouses.

Enfin, la 3^e version du même tableau, organisé cette fois selon la durée des mariages (ordre décroissant).

Les noms de famille

Une fois le nom de jeune fille des femmes mariées rétabli, on dénombre 30 noms de famille (ou patronymes) différents à Longue-Pointe en 1931. Seule incertitude pour le moment : Mary Loiselle vit dans la maisonnée de Guillaume Méthot et Odina Rail. Elle est déclarée tante de Guillaume et veuve âgée de 70 ans. Je ne suis pas certain de son identité. Le tableau qui suit présente les noms de famille en ordre décroissant de fréquence.

Bien sûr, plusieurs autres noms de famille sont liés à l’histoire de Longue-Pointe. Et je ne manquerai pas de les explorer dans les prochains articles.

Bibliographie

BAC (2023). « Le recensement de 1931 est maintenant en ligne! », communiqué de presse, Bibliothèque et Archives Canada, 1^er juin 2023. [Web]

BFS (1931). Septième recensement du Canada 1931. Instructions aux commissaires et énumérateurs, Bureau fédéral de la Statistique, 205 p. [Web]

COMITÉ DU 150^e (1999). Longue-Pointe-de-Mingan. 150 ans de labeur et de bonheur 1849-1999, calendrier commémoratif, 42 p.

WIKIPÉDIA (2024). « Radio au Québec », Wikipédia. L’encyclopédie libre, Wikimedia Foundation. [Web]